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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/351

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tout autre que pour un missionnaire, et il signale les principaux obstacles qui s’opposent aux progrès de la foi chrétienne. En premier lieu, c’est la polygamie, les nobles et les riches se souciant peu d’embrasser une religion qui les obligerait à congédier leurs concubines ; puis c’est l’éducation que tous les Siamois reçoivent dans les pagodes, où ils passent un temps plus ou moins long en qualité de talapoins. C’est ensuite la défiance qu’inspire, au point de vue politique, un culte importé par des Européens ; il n’est pas surprenant que, témoins des envahissemens successifs de l’Angleterre, de l’Espagne, du Portugal, de la Hollande, dans les diverses contrées de l’Asie, les Siamois, de même que les Japonais et les Chinois, se tiennent en garde contre les missionnaires étrangers qui leur apparaissent comme une avant-garde de la conquête. Il faut une confiance bien robuste pour lutter contre de telles difficultés. En Chine et en Cochinchine, où le christianisme a subi de nombreuses et cruelles persécutions, le chiffre des convertis est relativement plus considérable qu’à Siam, où, d’après le témoignage des missionnaires, le travail de la propagande a été favorisé, non-seulement par l’esprit de tolérance qui règne parmi le peuple, mais encore par la bienveillance personnelle de plusieurs souverains. Cette remarque est peu encourageante pour l’avenir des missions catholiques dans l’extrême Orient, et en particulier à Siam : elle démontre en effet que le christianisme rencontre plus d’obstacles dans les dispositions mêmes des peuples, aveuglément attachés à leurs vieilles croyances, que dans les persécutions.

Les missionnaires protestans se sont établis à Bangkok vers 1830. C’est le docteur Gutzlaff qui leur a ouvert la voie. Il a résidé trois ans dans le pays, et, à son départ, il promettait à ses successeurs une abondante moisson de chrétiens. Ses espérances ont été complètement déçues. Le témoignage de Mgr Pallegoix pourrait, à cet égard, paraître suspect ; mais nous avons celui de sir John Bowring, qui constate sans détour l’insuccès de ses coreligionnaires. Les missionnaires protestans, au nombre de huit ou dix, mariés pour la plupart, résident à Bangkok ; ils dépendent de trois associations différentes, qui ont leur siège aux États-Unis. Leurs principales occupations consistent à traduire et à imprimer la Bible en siamois, à la répandre par milliers d’exemplaires, à tenir des écoles, et, pour quelques-uns, à exercer la médecine. Ils sont généralement respectés, le roi et les mandarins les consultent volontiers sur les matières de science ; mais, quant à l’effet de leur propagande religieuse sur les populations, il est à peu près nul. Les bonzes ou talapoins étant astreints au célibat, les Siamois ne comprennent point qu’un prêtre puisse être marié et avoir une famille. Selon leurs idées, empruntées à la doctrine bouddhique, les ministres protestans ne seraient