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de hauts dignitaires, y compris les éléphans blancs, est réellement trop fatigante pour les ambassadeurs européens. Ce n’est pas une légère corvée que d’endosser l’uniforme par une chaleur de 35 degrés, de se tenir dignement assis au milieu d’une nuée de moustiques, et de se mettre au régime de la cuisine orientale ! Il n’y a pas moyen cependant d’échapper à ces mille petites misères de la vie diplomatique. Ce n’est pas tout : à Siam, les détails de la mise en scène ne sont parfois réglés qu’à la suite de négociations très sérieuses. Les officiers européens seront-ils admis à se présenter devant le roi avec leurs armes ? Déposera-t-on ses chaussures à la porte de la salle d’audience ? Quelle place occupera l’ambassadeur ? Où se tiendra chacun des membres de la mission ? Questions fort graves, qui ne sauraient être résolues du premier coup. Sir John Bowring se reportait invariablement aux dispositions qui avaient été adoptées à l’égard de l’ambassade de Louis XIV, et l’on parvenait ainsi à s’entendre. L’audience solennelle, fixée au 16 avril, avait été précédée de nombreux pourparlers, qui firent sans doute passer plus d’une nuit blanche au grand-maître des cérémonies. Nous voici arrivés, dans la relation de sir John Bowring, à cette représentation extraordinaire. Le roi avait, on s’en souvient, désigné le lundi, jour cher aux astrologues !

Les canots du roi vinrent prendre l’ambassadeur et sa suite, qui furent conduits en grande pompe au débarcadère le plus voisin du palais. Là sir John monta dans une magnifique chaise à porteurs, soutenue par huit hommes et ombragée par un large parasol de couleur écarlate. Des chaises avaient été également préparées pour ses attachés et pour les officiers du Rattler. La longue procession se mit en marche sous une bonne escorte, et arriva promptement à l’une des portes de la résidence royale. Dès ce moment, elle eut à passer à travers une double haie de troupes. Ce déploiement militaire présentait le tableau le plus varié. Aux troupes régulières, vêtues à la façon des cipayes de l’Inde, armées de fusils et de sabres et disciplinées à l’européenne, succédait un détachement de soldats du Camboge ; puis venaient les irréguliers du Laos, un bataillon d’Annamites, une bande de Malais ; à chaque pas, des uniformes différens, si l’on peut donner le nom d’uniformes aux costumes singuliers qui couvraient, parfois très incomplètement, ce ramassis de soldats de tous les pays. Quant aux armes, il y avait là une collection de lances, de haches d’armes, d’arcs, de carquois, de boucliers, etc. ; c’était un véritable musée. Des chevaux richement caparaçonnés et des éléphans chargés de leur attirail de guerre avaient leur place dans la haie. Sur le passage du cortège, les soldats réguliers présentaient les armes ; les tambours, les tamtams, les fifres et les autres instrumens de la musique siamoise faisaient un effroyable