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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/589

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Pour savoir si un aliment est nutritif, il faut l’analyser, et toutes les expériences diverses des agriculteurs, qui ne sont pas comparables entre elles, ne doivent intervenir que comme des preuves nouvelles des résultats de la chimie ; mais on ne saurait rien fonder sur des essais aussi variables, et qui dépendent de tant de causes mal connues. C’est par la chimie seule qu’on a pu établir des divisions mathématiquement exactes entre les alimens, ainsi qu’une échelle comparative. On a dressé des tables d’équivalens, et on peut savoir comment un aliment peut en remplacer un autre, par exemple quelle quantité de foin équivaut à 1 quintal de luzerne. C’est ce qu’on appelle les équivalens des fourrages. Sous ce rapport, les anciens livres d’agriculture sont remplis de contradictions et de fautes. Ainsi, pour la valeur nutritive des pois, on a admis des nombres qui varient dans le rapport de 3 à 8, pour celle du trèfle fané du simple au double. Mathieu de Dombasle, le plus exact des agriculteurs, s’est souvent fourvoyé ainsi, et par conséquent le procédé direct, qui a trompé un tel agronome, ne saurait être bon. Le chimiste le moins habile ne pourrait s’y tromper aujourd’hui, et peut affirmer, autant que l’affirmation est permise dans la science, quel est l’équivalent d’une ration, c’est-à-dire quelle quantité d’un autre fourrage il faut donner à un animal pour le maintenir dans le même état, au même point d’engraissement, avec la même dépense de force. Ces données, bien entendu, ont besoin d’être complétées par l’observation, qui enseigne quels animaux assimilent le mieux ce qu’on leur donne, quels sont ceux qui sont le plus disposés à faire de la chair que de la graisse, du lait que de la laine. La question est complexe en effet, car on ne demande pas la même chose à tous les animaux. Les uns dépensent de la force, c’est-à-dire de la chaleur et du carbone ; les autres donnent de la chair ou de la laine, c’est-à-dire des substances azotées et soufrées ; quelques-uns, de la graisse qui ne contient pas d’azote, d’autres enfin du lait. Il faut donc donner aux uns des substances riches en carbone, comme l’amidon et la fécule, à d’autres de l’albumine, du gluten, de la graisse, sans oublier les principes minéraux nécessaires aux réactions chimiques bien connues de la digestion et à la formation des os. Enfin il faut les varier et les alterner, car aucun animal n’est parqué dans une spécialité exclusive, et si l’un a besoin de cinq ou six fois plus d’alimens respiratoires que d’alimens plastiques, celui qui reste à l’écurie doit en absorber moins que celui qui travaille, mais il doit en absorber cependant, car il respire. La variété enfin est nécessaire ; on ne peut vivre avec un seul aliment, même nourrissant, pris d’une manière continue.

Les détails seraient infinis, et nous n’insistons que parce que cette