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nature, et la Turquie se montre évidemment en cette occasion une trop vigilante protectrice de l’ordre, qui ne paraît d’ailleurs nullement troublé sur le Danube. Quant à la solution dernière de la question, que peut-on en espérer ? Il y a longtemps, on le sait, que toute éventualité de guerre a été écartée. Dès lors la conséquence inévitable, c’est que tout finira par une transaction, et peut-être déjà les conditions essentielles de cette transaction sont-elles admises par les principaux cabinets. Si les résolutions de l’Europe ne répondent point entièrement aux justes et légitimes aspirations des Roumains, elles commenceront du moins ce que l’avenir achèvera. Si l’union politique n’est pas prononcée, elle sera en germe dans l’organisation qui sera vraisemblablement adoptée, et qui n’aura qu’à se développer. L’œuvre d’aujourd’hui sera faite, il restera l’œuvre de demain.

Des deux autres affaires diplomatiques qui s’agitent en ce moment, la plus sérieuse, à coup sûr, est le différend qui s’est élevé entre le Danemark et la confédération germanique au sujet de la situation faite aux duchés de Lauenbourg et de Holstein dans la monarchie danoise. C’est le Lauenbourg qui le premier, appuyé par le Hanovre, a porté directement ses griefs devant la diète de Francfort, tandis que d’un autre côté la Prusse et l’Autriche transmettaient à l’autorité suprême de la confédération le résultat des négociations qu’elles ont suivies avec le cabinet de Copenhague concernant le Holstein. Ce résultat, on s’en souvient, est entièrement négatif, et il est dû surtout à l’attitude d’hostilité prise dès le premier jour par la diète d’Itzehoe en face du gouvernement danois, qui proposait aux représentans du Holstein une nouvelle constitution provinciale. Tout réside aujourd’hui dans la mesure des concessions que le roi de Danemark peut juger compatibles avec sa dignité, sa souveraineté et son indépendance. L’intervention de l’Allemagne aggrave nécessairement la question. Rien n’indique cependant jusqu’ici que la diète de Francfort soit très décidée à suivre jusqu’au bout les passions germaniques. Elle se hâte avec une certaine lenteur ; elle a commencé par communiquer au cabinet de Copenhague les plaintes du Lauenbourg. C’est un nouvel épisode diplomatique qui commence. Il ne reste pas moins certain qu’il y a toujours quelque chose d’insoluble dans cette question tant qu’on se place sur un terrain où l’on somme en quelque sorte le gouvernement danois de faire aux duchés une situation telle qu’elle aboutirait, par une égalisation de droits, à une véritable annihilation du royaume de Danemark. C’est là justement le but que poursuivent les passions allemandes ; c’est ce que le gouvernement danois ne peut point concéder sans aliéner son indépendance. L’œuvre de la diète de Francfort, si elle est utilement et efficacement dirigée, ne peut donc consister qu’à définir, à garantir la situation particulière du Holstein et du Lauenbourg, sans intervenir dans les rapports des duchés avec la monarchie danoise. Là où l’indépendance du Danemark serait mise en jeu, l’affaire tomberait inévitablement sous le verdict de l’Europe.

Quant à la question du pont de Kehl, dont la diète de Francfort est également saisie, quelle opposition sérieuse peut-elle rencontrer ? Elle intéresse le commerce de tous les pays : elle a été l’objet d’un traité signé entre la France et le grand-duché de Bade, et c’est ce traité qui est en ce moment