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Le dernier mot du scrutin a été dit il y a déjà quelques jours. Au fond, ce sont les mêmes questions qui s’agitent dans le Piémont et en Belgique, si ce n’est qu’à Turin c’est le parti libéral qui est au pouvoir depuis longtemps. Le parti libéral piémontais a eu le singulier avantage de trouver pour premier ministre un homme habile, doué d’autant de pénétration que de fermeté, qui a su donner un lustre nouveau à la politique extérieure de son pays, et qui a dans l’esprit assez de prudence pour savoir attendre, pour ne pas vouloir brusquer les questions dangereuses. Que le parti libéral ait fait une grande position à M. de Cavour, cela n’est point douteux. M. de Cavour n’a pas moins fait de son côté, il faut le dire, pour le parti libéral piémontais. Il lui a donné en premier lieu le succès ; il l’a constitué en parti de gouvernement, il vient de lui assurer un règne ininterrompu de plus de cinq années, qui a permis au régime constitutionnel de s’affermir et de devenir une réalité sérieuse. Au premier abord, lorsque l’épreuve électorale a commencé, on ne doutait point que le résultat ne fût favorable au cabinet, à la politique du président du conseil. Par le fait, il en a été ainsi. La lutte cependant a été vive, et les élections ont présenté un spectacle aussi curieux qu’animé.

Il y aurait un premier fait à remarquer, c’est l’intervention active de l’aristocratie piémontaise, qui s’est montrée jalouse d’exercer ses droits et de prendre le rôle qui lui est offert par le régime constitutionnel. Une grande partie de cette noblesse d’ailleurs porte dans la vie politique des inclinations sincèrement libérales. La fraction qui a été visiblement la plus menacée et qui a le plus perdu dans les élections est la partie avancée de l’opinion libérale, la gauche, ou pour mieux dire le radicalisme, qui est sorti assez meurtri du combat. La droite au contraire, le parti conservateur, a vu s’accroître le nombre de ses représentons, qui était assez restreint dans la dernière chambre, et même M. Solar della Margherita, l’ancien ministre du roi Charles-Albert, dont les opinions absolutistes sont fort connues, a été élu plusieurs fois. Au premier Instant, lorsqu’on a connu ces résultats, lorsqu’on a vu poindre cette force conservatrice, l’émotion a été vive ; la crainte d’une réaction s’est réveillée aussitôt. Il en est résulté que dans les scrutins de ballottage qui ont eu lieu pour les élections restées incomplètes, toutes les divisions de l’opinion libérale se sont effacées et toutes les nuances se sont ralliées. Deux des ministres, MM. Ratazzi et Lanza, qui n’avaient point été élus au premier scrutin, ont été nommés au second. C’est ce qui explique aussi peut-être la nomination du radical M. Brofferio, qui l’a emporté à Turin sur M. le comte de Revel, le chef le plus éminent du parti conservateur modéré. M. de Revel a été visiblement la victime de la multiple élection de M. Solar della Margherita. Tous ces faits ne sont pas aussi inconciliables qu’ils le paraissent ; ils prouvent que dans le Piémont comme partout, on nomme des députés de la droite, si l’on craint que la politique n’incline trop vers les exagérations libérales, et on va jusqu’à M. Brofferio, si l’on voit surgir M. Solar della Margherita. En définitive, les diverses nuances de la droite formeront dans la chambre nouvelle une minorité respectable. Le ministère a toujours une majorité suffisante. Les quelques députés de la gauche qui ont été élus semblent devoir se perdre aujourd’hui dans la masse