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ministérielle. Quel sera le résultat de ces élections ? Au premier instant, le bruit s’est répandu à Turin que deux ministres, MM. Ratazzi et Lanza, qui représentent plus particulièrement ce qu’on nommait autrefois le centre gauche, allaient se retirer, et que M. de Cavour se rapprocherait de la fraction modérée du parti conservateur. Rien n’indique cependant que ces changemens, qui auraient leur portée, étaient en question. D’autres demandent au contraire au cabinet une politique plus énergiquement libérale, la présentation de lois anticléricales, comme le dit M. Brofferio. Si M. de Cavour ne croit point utile à son pays d’être plus conservateur, on conviendra que ce serait étrangement pratiquer les règles du régime constitutionnel de choisir, pour déployer un libéralisme plus vif, le moment où une partie du corps électoral semble se prononcer dans un sens plus modéré. Le plus vraisemblable, c’est que M. de Cavour suivra la politique qu’il a suivie jusqu’à présent, en tenant compte des circonstances. Dans tous les cas, M. de Cavour a du moins un avantage, c’est la multiple élection de M. Solar della Margherita, qui tiendra serrées autour de lui toutes les nuances du parti libéral, et la plus grande faute du parti conservateur modéré serait d’accepter les directions de l’ancien ministre absolutiste.

Ces luttes d’opinions et de tendances qui éclatent au grand jour en certains pays sont pour le moment peut-être plus voilées en Espagne, elles n’existent pas moins toutefois. Elles sont la raison de tout ce qui est arrivé depuis quelque temps, elles se retrouvent dans les débats parlementaires, dans les polémiques de la presse, dans les crises ministérielles, dans les émotions publiques. Partout on voit un pays alternativement poussé dans des sens contraires et cherchant à grand’peine un équilibre toujours troublé par les passions des hommes. En Espagne aussi, il y a des absolutistes qui épient les faiblesses du régime constitutionnel, et ne demanderaient pas mieux que de s’en délivrer ; la révolution à son tour a été en permanence à Madrid. Qu’est-il arrivé ? Toutes les fois qu’un parti extrême a eu l’air de prévaloir, tout a été mis en question, l’opinion s’est inquiétée, car l’Espagne a déjà fait trop de chemin pour pouvoir être ramenée vers l’absolutisme, et elle garde trop le culte de ses traditions monarchiques et religieuses pour avoir le goût des utopies révolutionnaires. Le ministère qui s’est formé il y a un mois sous la présidence de l’amiral Armero s’est pénétré sans doute de cette situation, et il semble s’être proposé de rassurer les instincts libéraux de l’Espagne sans affaiblir les garanties conservatrices. Il a vu que le dernier cabinet avait été conduit par une sorte de fatalité au-delà des limites que le général Narvaez avait dû se tracer en arrivant au pouvoir, et il s’est habilement placé en dehors de ce courant de réaction. La situation politique de l’Espagne n’a point changé au fond, puisque les mêmes opinions sont dans le conseil de la reine Isabelle ; mais de cette évolution du pouvoir il est résulté une tension moins grande en toute chose au-delà des Pyrénées. L’administration intérieure du pays s’est adoucie. La presse, bien que toujours placée sous l’empire d’une loi qui a été votée par les chambres et qui ne peut être abrogée que par elles, la presse jouit par le fait de plus de latitude. Des arrestations assez nombreuses avaient été opérées dans ces derniers temps, et les victimes de ces arrestations s’étaient vues reléguées dans