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ESSAIS ET NOTICES


DE QUELQUES TRAVAUX DE LITTERATURE MUSICALE.
I. Essai d’instruction musicale, par M. Mercadier. — II. Leçons de lecture musicale, par M. J. Halévy. — III. Mozart, Vie d’un Artiste chrétien, par M. Goschler.


L’enseignement de la musique et la diffusion des connaissances musicales parmi les classes populaires de la France est un fait que nous avons déjà eu occasion de constater ici. Un grand nombre de bons esprits se sont voués à la noble mission de répandre les principes d’un art si puissant sur les masses, et n’ont pas dédaigné de consacrer leurs veilles à en simplifier les premières notions. La musique a cela de particulier, qu’elle est à la fois une science profonde qui, comme toutes les sciences possibles, repose sur des lois de nombre, et qu’elle devient, sous la main du temps et l’inspiration du génie, un art merveilleux qui semble ne procéder que de la spontanéité et du sentiment individuel. Le monde est ainsi très porté à croire que la musique ne renferme que des effets dont les causes sont inconnues, et importent aussi peu à l’artiste qui crée qu’au simple amateur qui jouit. Cette erreur, presque universellement répandue en France, empêche qu’on n’accorde à la musique le rang élevé qui lui appartient parmi les connaissances de l’esprit humain. Les divagations qui s’impriment chaque jour à propos de cet art admirable, l’ignorance si profonde de la plupart des beaux esprits qui en parlent dans les journaux, ignorance dont nous avons pu récemment encore apprécier l’étendue, — tout cela contribue à répandre le préjugé que la musique est une sorte d’alchimie sur laquelle on peut dire ce qu’on veut sans avoir à craindre un démenti. Les théâtres d’ailleurs sont un plaisir charmant et coûteux qu’on est bien aise de se procurer à peu de frais, au moyen d’articles où l’on juge les maîtres et surtout les cantatrices avec une assurance cavalière qui ne prête à rire qu’aux initiés, qu’on traite de lourds pédans. Toutefois cet état de choses commence à s’améliorer un peu. Le public, qui est moins ignorant en ces matières délicates que ne le croient ceux qui ont la prétention de l’éclairer, ne prête plus qu’une oreille distraite à ces faux prophètes qui l’ont tant de fois induit en erreur. Il les laisse dire, et ne s’en rapporte qu’à son propre jugement ou à celui de quelques bons esprits dont il a eu soin de constater la véracité. Le peuple lui-même entre chaque jour davantage dans la connaissance d’un art qui a le don d’épurer et d’élever ses instincts, et, grâce aux nombreuses institutions publiques où