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la maison de dépôt de Leganès, où elles restaient sans être jugées ; cette maison a été vidée et même fermée par le nouveau gouverneur civil de Madrid, le marquis de Corbera. Des mesures d’exil ou d’internement précédemment infligées à diverses personnes ont été levées. L’état de siège ne subsiste que sur quelques-uns des points les plus menacés, comme la Catalogne. Un acte surtout a révélé l’esprit qui anime le nouveau cabinet : c’est le choix d’un certain nombre de gouverneurs de provinces appelés à remplacer ceux qui ont cru devoir suivre la fortune de la dernière administration. Il ressort évidemment des choix qui ont été faits que le ministre de l’intérieur, M. Bermudez de Castro, ne s’est laissé guider par aucune pensée exclusive et systématique. Il a pris dans toutes les nuances du parti constitutionnel conservateur, même dans les rangs de l’union libérale. Un des nouveaux gouverneurs, M. Canovas del Castillo, était aux côtés du général O’Donnell en 1854 ; un autre est de la famille de M. Rios-Rosas, dont il porte le nom. D’ici à peu, on verra les réformes que M. Mon prépare dans les finances, et qui porteront sans nul doute la marque de cet esprit résolu et expérimenté.

Le nouveau ministère espagnol semble donc vouloir se placer sur un large terrain de conciliation, où il peut trouver une certaine force. À proprement parler, le système de conduite qu’il suit n’est autre que la politique à laquelle se ralliaient il y a quelques années toutes les fractions du parti conservateur, et qui se résume dans le maintien, dans l’exécution fidèle de la constitution de 1845. Il reste, il est vrai, une dernière question à vider. Le cabinet Armero-Mon n’ira-t-il pas encore se heurter contre quelque écueil imprévu ? Obtiendra-t-il l’appui des cortès elles-mêmes, qui doivent se réunir à la fin de décembre ? Malheureusement, on le sait, le parti modéré espagnol est livré depuis quelque temps à toute sorte de divisions qui l’affaiblissent et qui ont contribué à jeter l’Espagne dans la situation difficile où elle est, en paralysant le raffermissement de l’ordre constitutionnel, ébranlé par une révolution. Avec un peu d’esprit politique, ce parti doit voir aujourd’hui que, s’il veut conserver l’influence qui s’attache à une grande opinion, il doit tout faire pour se recomposer, pour se rallier. Le jour où le parti modéré se reconstituera avec une politique déterminée, avec un but précis, toutes les difficultés ne seront pas sans doute vaincues au-delà des Pyrénées ; seulement il y aura une force avec laquelle il faudra toujours compter et capable de jeter son poids dans la balance avec profit pour le pays comme pour la reine elle-même. Mais avant que ces questions ne reparaissent dans les chambres, l’Espagne voit s’accomplir un événement qui était attendu d’un instant à l’autre : c’est la délivrance de la reine. Déjà tout se préparait depuis quelques jours. La province des Asturies, qui a gardé le privilège de donner son nom à l’héritier du trône, avait envoyé sa députation à Madrid ; le roi avait reçu exceptionnellement le pouvoir de rendre un décret pour décorer de tous les ordres royaux l’enfant attendu, lorsque la reine a mis au jour un prince dont la naissance ne peut qu’être une force nouvelle et un nouveau gage de durée pour la monarchie espagnole.ch. de mazade.