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la quatrième partie, qui traite de la tonalité, c’est-à-dire de la formation et de l’enchaînement des gammes au moyen des accidens d’altération.

M. Mercadier, dans l’Essai d’Instruction musicale dont nous avons déjà parlé, s’exprime ainsi au chapitre XIXe, qui traite de ce sujet délicat : « On entend par tonalité, dit-il, l’effet d’un groupe ou assemblage de notes qui se reproduit sur l’échelle diatonique à des intervalles réguliers. Notre gamme par octaves est un exemple remarquable de tonalité, parce que les deux demi-tons occupent toujours une place invariable, et que la mélodie reçoit de cette régularité un certain caractère que l’oreille sait apprécier. Au point de vue scientifique, cette définition laisse beaucoup à désirer, puisqu’elle ne comprend pas la tonalité du plain-chant, dont le caractère est la mobilité des deux demi-tons ; mais elle suffit provisoirement pour donner à l’élève une notion qu’il lui sera facile de développer plus tard. M. Halévy creuse davantage ce sujet important, il en suit toutes les ramifications et en résume les effets dans un tableau où la génération des tons par les bémols et par les dièses frappe l’œil et saisit l’attention, mais le langage dont se sert M. Halévy pour traduire sa pensée est-il toujours en rapport avec l’intelligence de l’élève auquel il s’adresse ? pourrait-on affirmer que la définition que donne le savant compositeur de l’enchaînement des tons produits par les bémols avec ceux qui résultent de l’emploi des dièses, « pénétration réciproque des gammes bémolisées et des gammes diésées, produite par l’enharmonie, » soit facilement comprise d’un enfant de dix ou douze ans ? Nous nous permettons d’en douter. Toute cette leçon (la trente-cinquième), qui a pour objet de classer les différentes gammes qui sortent de la source primordiale, la gamme d’ut naturel, au moyen des accidens d’altération qui, parcourant deux chemins différens, vont aboutir à un rendez-vous commun (fa dièse ou sol bémol), est traitée de main de maître ; mais elle suppose chez l’élève des connaissances et une habitude de raisonner qu’il eût été plus sage de ne pas exiger encore. La définition de la gamme ou du mode mineur, cette pierre d’achoppement de tous les livres de théorie musicale, laisse aussi quelque chose à désirer. M. Mercadier nous semble résoudre d’une manière plus simple et plus pratique cette difficulté d’enseignement : En musique, dit-il, mode (du latin modus, manière), manière d’être ou modification, signifie le caractère qu’imprime à une gamme la place occupée par ses deux demi-tons constitutifs. Il est évident qu’en déplaçant les demi-tons on change la manière d’être de cette gamme, etc. « M. Halévy pénètre sans doute plus avant dans la nature de la gamme mineure lorsqu’il dit : Les deux tétracordes qui forment une gamme mineure ne sont pas semblables dans leur composition… L’intervalle, composé d’un ton et demi, qu’on remarque dans le second tétracorde, intervalle né du genre chromatique, est cause que la gamme mineure participe du genre chromatique. » La définition de M. Halévy, pour être plus scientifique, s’adresse au maître qui enseigne bien plutôt qu’à l’élève qui apprend. En résumé, les Leçons de Lecture musicale de M. Halévy et l’Essai d’Instruction musicale de M. Mercadier se suivent et se complètent l’un par l’autre. Si nous avions pouvoir d’assigner à ces deux traités un but d’utilité publique, nous conseillerions de mettre le petit livre de M. Mercadier dans les mains des enfans qui n’ont aucune notion