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de la musique, tandis que les leçons de M. Halévy serviraient aux classes des adultes, déjà préparés à recevoir une connaissance plus étendue d’un art qui parle à la raison autant qu’au sentiment.

Passer de la simple théorie aux livres qui s’occupent de l’histoire de la musique ou de la vie des musiciens, ce n’est pas une transition aussi brusque qu’on pourrait le croire au premier abord. Un homme de goût, M. le chanoine Goschler, a eu l’heureuse pensée de feuilleter avec respect la correspondance si connue en Allemagne de la famille de Mozart, et d’en extraire un petit volume intéressant qu’il a publié sous ce titre : Mozart, Vie d’un Artiste chrétien. On sait que la veuve du musicien le plus parfait qui ait encore existé a épousé en secondes noces un admirateur du génie de Mozart, M. de Nissen, conseiller d’état du Danemark, qui mourut à son four en 1826. M. de Nissen avait classé les papiers de la famille de Mozart et en avait formé un gros volume qui fut publié par sa veuve en 1828 à Leipzig. C’est dans l’ouvrage confus, mais rempli de faits et de documens intéressans, de M. de Nissen qu’ont puisé depuis lors tous les écrivains qui ont eu à s’occuper de la vie de Mozart. M. Goschler raconte dans une courte préface comment il fut amené à s’intéresser à la vie de l’auteur de Don Juan : il a lu successivement toutes les biographies de ce grand compositeur qui lui furent signalées. Je dois l’avouer, dit M. Goschler, je cherchais dans ces lectures plutôt l’homme que l’artiste, et tous les biographes me montraient l’artiste bien plus que l’homme. Tous exaltaient le génie, pas un n’appréciait le caractère ; tous analysaient minutieusement les œuvres, aucun ne parlait de l’âme candide de Mozart, de sa foi vive, de sa piété sincère, de son dévouement filial, etc. Si M. Goschler avait eu connaissance de l’étude publiée dans cette Revue sur Mozart et Don Juan, il aurait pu s’assurer que nous avons été le premier à signaler la noblesse de caractère qui distingue le père de l’immortel musicien, ainsi que l’union parfaite de cette famille pieuse et résignée, famille tout allemande et vraiment chrétienne, où régnaient l’ordre, la chasteté et le goût des belles choses, digne berceau du musicien de l’amour idéal[1]. En parlant du caractère élevé de Mozart et de l’influence qu’il a exercée sur la direction de son génie, nous disions encore : « Mozart était arrivé (en 1787) à cette heure suprême de la vie d’un grand artiste où sa main peut écrire couramment sous la dictée de son cœur et réaliser, comme il disait, les rêves de son génie. Son esprit profondément religieux, sa piété naïve, que n’affaiblissaient même point les déréglemens passagers où il tomba dans les derniers jours de sa vie, semblaient pressentir confusément l’approche d’une révolution qui viendrait détruire tout ce qu’il adorait. »

M. Goschler n’en a pas moins rendu un véritable service au goût et à la saine critique en mettant à la portée des lecteurs français un choix des meilleures lettres de la famille de Mozart, où se trouvent consignés tant de faits curieux et intéressans de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les lettres de Mozart surtout sont remarquables par une foule d’observations fines, judicieuses et profondes, d’où l’on pourrait extraire comme un résumé des règles

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1849.