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Trop souvent, dans la seconde moitié du XVe siècle, les œuvres de l’art florentin, œuvres charmantes à n’en estimer que la valeur pittoresque, ont ces mêmes dehors de grâce sans signification bien précise, sans raison d’être nécessaire, cette même élégance savante quant à la distribution des lignes, mais au fond un peu vide de sens. Les vases sacrés, les reliquaires, accusent le besoin d’agrément à tout prix auquel obéissaient les orfèvres formés à l’école du paganisme, et qui, d’abus en abus, devait amener une confusion de principes telle que les mêmes modèles servissent indistinctement pour l’exécution d’un surtout de table et pour l’ornement d’un autel.

Benvenuto Cellini ne fut donc ni le seul, ni le premier coupable en recherchant, de préférence à la rectitude du style, les formes propres surtout à caresser le regard. Ajoutons que son talent s’appliqua le plus souvent à des objets purement de luxe, à des travaux d’une destination toute mondaine. Une imagination capricieuse était de mise là plutôt qu’ailleurs, et l’artiste, en écoutant principalement sa fantaisie, ne fit jusqu’à un certain point qu’user de son droit, bien qu’il ait cru devoir insister dans ses écrits sur la justesse ou la profondeur des pensées qu’il entreprenait de traduire. Il arrivait quoi-parfois que quelque spectateur ne pût saisir du premier coup d’œil ces intentions, un peu trop subtiles : un jour, par exemple, le dessin d’une fontaine projetée pour le palais de Fontainebleau fit dire à François Ier « qu’en dépit de tous ses efforts pour comprendre ce que pouvait signifier ce projet, il n’en devinait pas le premier mot ; » mais Cellini ne serait pas homme à reproduire un aveu aussi compromettant pour sa gloire s’il n’y trouvait un correctif suffisant dans les complimens que le roi lui adresse ensuite à tout hasard, et surtout dans les louanges qu’il se prodigue de sa propre autorité. S’agit-il de patrons moins courtois ou moins généreux que François Ier, Cellini, en parlant d’eux, a un moyen fort simple de se consoler de leur mauvais vouloir ou de leur parcimonie : il les traite sans marchander « d’ânes », comme Octavien de Médicis, de « diables incarnés », ou d’ivrognes, » comme le cardinal d’Este et le pape Paul III lui-même.

On le voit, les façons d’agir de Cellini ne continuent pas plus les habitudes morales des artistes ses devanciers que les conditions mêmes de l’art italien, vers le milieu du XVIe siècle, ne rappellent les conditions premières. Le temps semble loin déjà où le suffrage des gens de goût était mis à plus haut prix que l’argent ou la partialité des grands, où Raphaël lui-même, si sûr qu’il fût de ses propres forces, demandait des avis aux Castiglione et aux Bembo, et modifiait patiemment l’expression de sa pensée jusqu’à ce qu’il eût contenté ces juges difficiles. Maintenant un simple orfèvre prétend