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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/853

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crustacés et les insectes, par exemple, appartiennent au même embranchement, et sont construits sur un type fondamental identique : quelle différence pourtant sous le rapport des fonctions et des organes circulatoires et respiratoires ! Les premiers ont un cœur volumineux et robuste pour chasser le sang, des artères bien développées pour conduire dans toutes les parties du corps ce liquide nourricier, lequel revient aux branchies, sinon par des veines proprement dites, du moins par des routes nettement tracées. Les insectes au contraire n’ont aucune trace d’artères, et le vaisseau dorsal, qui chez eux représente le cœur, n’agite que par faibles ondées le sang épanché dans les larges lacunes du corps. En revanche, les premiers ne possèdent pour appareil respiratoire que des branchies à surface restreinte, tandis que chez les seconds un riche lacis de vaisseaux aériens va porter l’air jusqu’au fond des plus petits organes et donner par momens à la respiration une activité extrême. Considérés sous le rapport qui nous occupe, les organismes qui se suivent de plus près ne sont jamais ou plus élevés ou plus bas placés d’une manière absolue. Celui qui l’emporte par le développement d’un organe, d’une fonction est inférieur à quelque autre titre. Les espèces, les groupes chevauchent donc pour ainsi dire les uns sur les autres. Il est facile de voir quelle diversité extrême doit naître précisément de cette singulière parcimonie, d’où il résulte que la machine animale, au lieu de s’améliorer en masse, ne se perfectionne.que par portions souvent très restreintes.

La tendance à l’économie se manifeste d’une façon bien remarquable dans chacun de ces perfectionnemens partiels eux-mêmes. Lorsque la nature se décide à localiser une fonction exercée jusque-là par l’organisme tout entier, elle ne se croit pas pour cela obligée de créer un instrument nouveau. Presque toujours au contraire elle commence par utiliser quelques-uns des organes déjà existans en se bornant à l’approprier à cet usage de surcroît. Ces espèces d’emprunts physiologiques sont curieux à suivre, surtout dans l’histoire de la respiration. Chez un très grand nombre d’animaux, d’une complication anatomique assez grande déjà, cette fonction s’exerce encore par toute la surface du corps. Certaines annélides sont évidemment dans ce cas. Chez d’autres, elle se localise d’abord vers la base des pieds, qui ne changent en rien de forme, mais où la peau devient seulement plus mince et se couvre de cils vibratiles. Chez quelques autres, les espèces de languettes désignées sous le nom de cirrhes s’allongent, deviennent plus vasculaires, et jouent le rôle de branchies. Plus tard seulement, on voit se montrer des organes respiratoires proprement dits. Chez les crustacés inférieurs, nous constaterions des faits presque semblables. Ici encore, la peau d’abord,