de génie comme l’invocation de Moïse, par exemple, dans le chef-d’œuvre de Rossini. Quoi qu’en disent les Allemands et les Anglais réunis, Mendelssohn reste pour nous le premier des grands musiciens de second ordre, c’est-à-dire qu’il ne peut être mis sur la ligne de Haydn, de Mozart et de Beethoven. L’exécution, qui a été fort bonne de la part de l’orchestre et des chœurs, a laissé beaucoup à désirer quant aux virtuoses chargés des différens personnages de ce drame trop constamment lugubre. M. Stockhausen, qui est un chanteur d’un vrai mérite, n’a pas une voix de basse assez puissante ni assez profonde pour rendre toute l’énergie du prophète Élie, qui ne cesse de lancer les éclats de sa pieuse indignation. Il s’est pourtant fait applaudir dans plusieurs morceaux, ainsi que M. Jourdan de l’Opéra-Comique, à qui était confiée la partie d’Abdias, Mme Bockholtz-Ealconi, qui est une musicienne parfaite, n’a pas la voix assez jeune et suffisamment élevée pour chanter dans un si grand local la partie de la veuve de Sarepta. D’ailleurs la salle du Cirque-Olympique n’a pas été construite pour faire ressortir la voix humaine, mais pour y entendre les hennissemens des chevaux. Il est à désirer cependant que M. Pasdeloup, dont l’initiative intelligente contraste avec la fâcheuse routine de la Société des Concerts, ne se décourage pas, et qu’il persévère dans sa louable entreprise d’initier le public français aux nombreux chefs-d’œuvre de l’art musical qui lui sont inconnus. Pour notre part, nous lui votons d’humbles actions de grâce.
Puisque les nouveautés qu’on nous présente sur les théâtres sont dépourvues d’intérêt, c’est le cas de jeter un coup d’œil sur l’histoire musicale d’un peuple intéressant. La musique d’un peuple, si elle a un caractère vraiment original, repose sur des principes qu’il appartient à la science de définir. L’un a le goût de la mélodie par exemple, l’autre préfère les combinaisons de l’harmonie ; celui-ci est sensible aux rhythmes compliqués, celui-là aux tonalités étranges et piquantes, etc. Eh bien ! c’est au philosophe d’expliquer ces phénomènes que lui livre l’histoire, si elle est bien faite, et le philosophe, fût-il aussi sublime que Platon a besoin de s’appuyer sur la connaissance des principes de l’art sous peine de divagation. Les Polonais, ce peuple guerrier et bruyant dont l’organisation politique est restée si longtemps dans une sorte d’enfance chevaleresque, pendant qu’autour de lui la Russie, la Prusse et l’Autriche devenaient des monarchies puissantes, toutes prêtes à le dévorer, le peuple polonais a-t-il eu une musique nationale comme il se vante de posséder une poésie, si ce n’est toute une littérature, qui exprime les tendances et les propriétés de son génie ? Un Polonais, un musicien distingué, M. Albert Sowinski, a entrepris la tâche difficile d’écrire l’histoire des musiciens, de son pays sous la forme commode d’un dictionnaire biographique. En tête du livre, l’auteur a mis une introduction qu’il raconte brièvement les vicissitudes qu’a éprouvées l’histoire de la musique en Pologne. Chez toutes les nations de l’Europe, l’histoire de la musique se divise en deux parties très distinctes : les chants et les danses populaires, qui sont le produit de l’instinct et de la tradition, et la musique, qui résulte du travail de l’esprit et des combinaisons de l’art. C’est dans les chants et dans les danses populaires qu’on peut trouver l’accent moral d’une nation qui a vécu d’une vie qui lui est propre ; mais aussitôt que l’art intervient et qu’il touche à ce germe poétique légué par le sentiment, il lui imprime sa