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POESIE







LA FERME DU VAL-CLAVIN


A Mme AUG. B…




I


C’est le samedi soir. Par de tièdes ondées
Les plaines tout le jour ont été fécondées.
Lentement, sous les bois qu’avril a reverdis,
Les bœufs en mugissant reviennent des pâtis ;
Le soleil s’est couché derrière les ramées,
Au loin montent au ciel de bleuâtres fumées ;
Là-bas, sur la hauteur aux pentes de gazon,
Se montrent des hangars et des toits de maison :
C’est la ferme. Un sentier, semé de brins de paille,
Conduit jusqu’à la cour où le fermier travaille
Avec ses journaliers. Des herses, des rouleaux,
Des chariots boueux et des troncs de bouleaux
Reposent pêle-mêle aux portes de l’étable.
Au dedans, un grand feu fait de souches d’érable
S’allume en pétillant. Les lueurs du foyer
Éclairent les vitraux, les meubles de noyer,
Et sur le dressoir brun les pièces de vaisselle.
Sur le seuil, des poussins viennent, battant de l’aile,
Se disputer les grains de maïs et de blé
Que leur jette une fille au visage hâlé,
Tandis que près du feu la jeune ménagère
Dresse le lard fumant et les pommes de terre,
Et tire du bahut, pour le repas du soir,
Les gobelets d’étain, les brocs et le pain noir…