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parts les rois se montraient prêts à donner des constitutions à leurs peuples. On sait ce que la révolution a fait de cette tendance universelle, qui avait pour chef le plus haut représentant de l’autorité sur la terre, un pape réformateur.

Le premier grand acte politique de sir Robert Peel a été l’émancipation des catholiques irlandais : il n’y a sans doute rien de pareil dans les dix-huit ans de notre monarchie parlementaire ; mais la raison en est fort simple, c’est qu’il n’y avait pas lieu. Depuis longtemps, Dieu merci, toutes les incapacités religieuses sont éteintes en France. Quand je cherche dans mes souvenirs ce qu’on peut le mieux comparer à cette tardive réparation d’une iniquité séculaire, je trouve la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire, conçue et proposée par M. Guizot. Si ce n’est pas tout à fait la même chose, c’est peut-être plus et mieux, car s’il s’agit d’un côté de six millions de catholiques à doter de droits politiques, il s’agissait de l’autre d’arracher vingt millions de Français aux ténèbres de l’ignorance.

La seconde grande mesure de sir Robert Peel est l’établissement de la taxe sur le revenu, ou income-tax. On ne peut encore rien signaler de semblable dans l’administration financière de la France à la même époque, et pour le même motif. Quand Peel a pris cette grave résolution, les finances anglaises avaient été mises par l’administration whig dans un état fâcheux et inquiétant. Pour combler le déficit, on pouvait difficilement accroître les impôts ordinaires ou la dette publique dans un pays qui avait épuisé toutes les inventions fiscales, et dont la dette est déjà si lourde ; il fallait donc avoir recours à la ressource des temps de détresse, et ce qu’il y a de plus remarquable dans l’adoption de cette taxe exceptionnelle, c’est que, si le ministre n’a pas hésité à la proposer, les chambres n’ont fait aucune difficulté pour la voter, bien qu’elle portât uniquement sur les revenus supérieurs à 3,750 francs. En France, la même nécessité n’existait pas ; il n’aurait pu être question d’une taxe sur le revenu que pour remplacer quelques-uns des impôts existans, et certes, si les circonstances eussent été les mêmes en Angleterre, sir Robert Peel n’y aurait jamais songé. Il a pu profiter de son income-tax pour faire des remaniemens d’impôts : ce n’était là qu’un détail partiel ; la mesure en elle-même avait pour but non de transformer, mais d’accroître les recettes publiques, afin de rétablir dans le budget l’équilibre rompu. Ajoutons que la taxe sur le revenu, réduite aux classes aisées, rapporterait infiniment moins en France qu’en Angleterre, et aurait bien d’autres inconvéniens chez une nation tourmentée par l’esprit révolutionnaire que dans le pays de l’ordre légal.

Il faut être possédé de la rage de l’imitation pour regretter qu’on n’ait pas importé chez nous ce que nos voisins n’ont subi que par