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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/161

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la plupart de ces princes si noblement défendus lui étaient peu favorables.

Pour en revenir à la biographie de sir Robert Peel, M. Guizot y a traité avec un détail et un soin particuliers toute la partie relative à la politique extérieure du cabinet dirigé par cet illustre chef. Cette préférence se comprend aisément quand on songe qu’à la même époque M. Guizot était de son côté chargé de conduire les affaires extérieures de son propre pays, et qu’il a eu en cette qualité des rapports fréquens et considérables avec le gouvernement anglais. Outre la parfaite exactitude qu’un pareil narrateur peut seul porter dans l’exposé des faits, ce tableau d’une période diplomatique déjà loin de nous a aujourd’hui un intérêt présent, en ce que l’alliance anglaise, si souvent reprochée au roi Louis-Philippe comme un acte de trahison, est devenue plus étroite et plus active sous un autre gouvernement. Il est curieux de voir quels obstacles cette alliance, depuis si intime, a rencontrés dans d’autres temps, comment elle était comprise de ceux qui l’ont inaugurée, et pourquoi elle avait fini, en 1847, par une déplorable rupture, pour se renouer plus tard, au grand étonnement du monde, avec l’héritier de Napoléon.

M. Guizot a été pendant toute sa vie le représentant d’une politique essentiellement pacifique ; que ce soit un tort ou un honneur, c’est un fait. « J’ai vécu, dit-il, sous l’éclat des plus grands spectacles de force et de guerre auxquels ait assisté le monde, j’en ai ressenti autant que nul autre spectateur le patriotique et orgueilleux plaisir ; mais au milieu de nos triomphes et de l’enivrement national, le sacrifice de tant de vies, les douleurs de tant de familles, l’épuisement de la France, la perturbation continuelle de l’Europe, les droits des princes et les droits des peuples traités avec un égal dédain, la victoire ne servant qu’à étendre de plus en plus la guerre, point de stabilité au sein d’un ordre sans liberté, cet interminable enchaînement de violences et de chances terribles me choquait profondément. » Le roi Louis-Philippe aimait la paix encore plus que son ministre ; lui aussi avait vécu au milieu de la guerre, les douleurs qu’elle inflige aux hommes pour des motifs souvent si légers et des combinaisons si vaines révoltaient son humanité et son bon sens. La paix était à ses yeux la vraie conquête de la civilisation, il mettait à la conserver son devoir d’homme et de roi.

Ces dispositions avaient trouvé dans le cabinet anglais une louable et sincère sympathie. Le ministre des affaires étrangères du cabinet de sir Robert Peel, lord Aberdeen, partageait sur les bienfaits de la paix les idées de son chef, avec une science plus complète de l’Europe et une plus spéciale habitude des questions extérieures. Ces deux hommes, lord Aberdeen et M. Guizot, chargés des intérêts