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deux affaires n’est comparable à celle de Taïti, Le droit de visite avait des inconvéniens réels, quoique fort exagérés par la mauvaise foi ; l’intérêt bien entendu des deux peuples commandait de l’abolir, pour couper court aux collisions qui pouvaient en sortir à tout moment. Pour le Maroc, la France était dans son droit en repoussant une agression, et les Anglais n’avaient rien à y voir. Sir Robert Peel et lord Aberdeen n’ont fait, dans les deux cas, que reconnaître la vérité. À leur place encore, lord Palmerston se serait fâché, mais il aurait eu tort.

Sur un dernier point, l’affaire de Cracovie, M. Guizot trouve sir Robert Peel en défaut ; il le dit, et même assez vertement. Sir Robert avait mal compris un passage de la protestation de la France lors de l’attentat commis sur cette petite république par les puissances voisines, il y avait vu ce qui n’y était pas ; M. Guizot rétablit le texte, qui lui donne tout à fait raison, mais j’aurais autant aimé qu’il fût un peu moins vif dans les termes en redressant cette erreur. Peel ne s’occupait que rarement d’affaires étrangères, il était plus qu’un autre excusable de se tromper ; l’intention était toujours bonne, honnête et sensée, c’est l’essentiel.

Cependant le libre jeu des institutions constitutionnelles avait amené en Angleterre un revirement ministériel. Sir Robert Peel avait quitté le pouvoir, lord Aberdeen l’avait suivi ; le nouveau cabinet avait lord Palmerston pour ministre des affaires étrangères. C’était au mois de juillet 1846. Dès ce moment, l’alliance devient moins intime, elle se refroidit peu à peu et finit par se rompre. Lord Palmerston affecte dans plusieurs occasions, en Grèce, en Portugal, en Italie, en Suisse, un ton de hauteur et de prépotence qui choque le gouvernement français ; quelques paroles aigres sont échangées. Une question délicate entre toutes, celle du mariage de la reine d’Espagne, amène enfin le choc que tout préparait. Tant que lord Aberdeen avait dirigé la politique anglaise, cette question avait été traitée en commun, avec une confiance et une sincérité parfaites ; il avait été convenu qu’aucune des deux nations n’y chercherait un moyen d’établir en Espagne une influence prépondérante : l’Angleterre s’engageait à n’y point porter un prince de la maison de Cobourg, la France à n’y point porter un prince de la maison d’Orléans. À l’arrivée de lord Palmerston, tout change, une défiance réciproque succède aux épanchemens confidentiels ; le gouvernement anglais entreprend un travail actif pour assurer la main de la reine d’Espagne au prince de Saxe-Cobourg ; la France, justement blessée, répond par un travail en sens contraire, et un double mariage lui donne l’avantage.

Sans doute, quels que fussent les torts de lord Palmerston, il aurait été plus sage de n’en tenir nul compte et de lui donner un autre