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Il y a trois sortes de définitions : la définition étymologique, la définition par énumération, et la définition théorique. La première cherche dans le nom de la chose à définir des notions sur sa nature; la deuxième énumère les diverses parties dont se compose la science à définir; enfin il y a la définition théorique, qui, en attribuant les faits à une cause hypothétique, a la hardiesse de les expliquer comme des effets de cette cause supposée admise. Ici l’hypothèse fondamentale, suivant la belle idée d’Huygens, se légitime par les explications qu’elle fournit des faits connus, et par les découvertes qu’elle provoque dans ces vastes contrées inexplorées qu’on appelle l’inconnu, c’est-à-dire le domaine de l’ignorance.

Le mot de magnétisme, ou science de l’aimant, vient originairement de celui de Magnésie, nom d’une contrée métallifère de l’Asie-Mineure : « l’aimant, dit Lucrèce, que les Grecs nomment ainsi du lieu qui est sa patrie; »

Quem magneta vocant patrio de nomine Graii.


L’île d’Elbe, en Europe, pourrait au même titre réclamer l’avantage de donner son nom, ilvaïsme, à ces morceaux de minerai de fer noir ou gris qui sont d’excellons aimans. On en tire aussi des Pyrénées. La pierre de Magnésie ou pierre d’Hercule a été connue de toute l’antiquité. Sa propriété d’attirer et de retenir le fer a excité l’étonnement de Thalès comme celui des savans de notre siècle. La définition étymologique de l’aimant ne nous apprend donc rien, sinon que l’aimant naturel est un minerai de fer attirant ce métal. Il est même quelques minerais magnétiques qui contiennent une certaine quantité de charbon, et qui par suite, outre leur propriété magnétique, se fondent en acier naturel, sans aucun procédé de cémentation ou autre manipulation équivalente. En choisissant certains échantillons de cette mine d’acier, on aurait des aimans blancs.

Buffon a déjà remarqué combien il était merveilleux que, même du temps d’Homère, la langue grecque possédât une si prodigieuse richesse de mots pour exprimer tous les êtres physiques ou métaphysiques que peut connaître l’intelligence humaine. On est encore, de nos jours, forcé de recourir à ce bel idiome pour nommer directement ou indirectement une foule d’objets nouveaux. Toutefois, quant au magnétisme et aux propriétés de l’aimant autres que celle de saisir le fer, les Grecs n’ont rien dans leur langue qui puisse nous éclairer.

Les anciens n’ont point fait agir deux aimans l’un sur l’autre, et n’ont point vu que si ces deux aimans s’attirent fortement par deux bouts, ils se repoussent de même par les deux autres. L’orientation que donne le globe aux aimans flottans leur a également échappé.