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nus, le conduisirent à travers le Forum à Vitellius, qui se tenait sur les marches du palais, et qui parut vouloir épargner le frère de Vespasien; mais la multitude demanda sa mort. Il fut percé de coups, déchiré; on lui coupa la tête, et l’on traîna son corps aux Gémonies, situées au-dessous du Capitole. Vitellius, qui du lieu où il était placé put voir cet affreux spectacle, devait dans peu y être traîné lui-même.

Bientôt l’armée, qui avait proclamé Vespasien, fut aux portes de Rome. On se battit dans les faubourgs, parmi des maisons, des jardins, des chemins tortueux. Les jardins y sont encore. Les maisons n’y sont plus si pressées à cause de la malaria. La populace de Rome prit les armes pour défendre Vitellius, et se rangea sur les collines que voient à leur gauche ceux qui viennent de Ponte-Molle. Les troupes du parti de Vespasien s’avancèrent en trois corps. L’un marchait au milieu par la voie Flaminienne, suivant la route que prennent maintenant les voyageurs qui arrivent de Florence; un second, à la droite de celui-ci, longeait le Tibre, qui fait un coude entre Ponte-Molle et Rome; l’autre avait pris à gauche par la plaine d’Aqua acetosa, et, tournant la hauteur qui domine cette plaine, était allé chercher la via Salara pour entrer par la porte Colline, vers les jardins de Salluste. Il y avait là de petits chemins étroits et glissans. La partie de l’armée qui s’y était engagée fut fort incommodée par les vitelliens, qui du haut des murs de ces jardins faisaient pleuvoir sur elle des pierres et des traits; mais vers le soir ceux-ci furent enveloppés par la cavalerie, qui avait forcé la porte Colline. On combattit aussi dans le Champ-de-Mars. C’était la première fois que la guerre civile se faisait si près de Rome. Enfin Rome même en fut le théâtre. Les soldats de Vespasien, après y avoir pénétré, étaient arrêtés par une foule compacte qui encombrait les rues étroites et écrasés par les tuiles qu’on lançait sur eux du sommet des maisons. Pour achever de rendre présens au lecteur ces combats, qu’il peut, grâce à la fidélité descriptive de Tacite, voir de ses yeux, je traduirai quelques lignes du grand historien.

« Les combattans avaient pour spectateurs le peuple, qui, comme s’il se fût agi d’un combat dans l’amphithéâtre, applaudissait ceux-ci ou ceux-là lorsque leurs adversaires avaient le dessous, demandant que les soldats qui se cachaient dans les boutiques ou se réfugiaient dans les maisons en fussent arrachés, puis égorgés, et s’emparait ainsi de la meilleure partie du butin, car tandis que le soldat était tout entier au carnage et au sang, les dépouilles tombaient aux mains de la populace. L’aspect de la ville était terrible et hideux. Ici des combats et des blessures, là des bains et des cabarets, du sang et des monceaux de morts, des prostituées et leurs pareils. Toutes les fureurs de la débauche dans une paix dis- }