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agricoles de l’Inde. L’autorité étrangère a, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire bien des fois, présidé plus de soixante ans aux destinées de ce pays sans qu’une seule route y ait été ouverte. Depuis vingt ans, le gouvernement de la compagnie s’est imposé de lourds sacrifices pour remédier à ce honteux état de choses, mais sa tâche est loin d’être accomplie, et des centres importans de population, des districts producteurs d’une grande richesse, sont encore complètement dépourvus de routes et de canaux. Aujourd’hui, en dehors du Great trunk Road, tout le mouvement des marchandises dans le Bengale s’opère à travers des sentiers à peine frayés, ou sur des rivières dangereuses, navigables seulement à certaines saisons de l’année. Le haut prix du transport ferme ainsi aux produits d’une faible valeur intrinsèque les grands centres de transactions commerciales. Inutile d’ajouter que des voies de communication faciles et promptes, — des chemins de fer par exemple, — feront naître à chaque pas des ressources inattendues sur ce sol privilégié.

Les conditions économiques qui pèsent sur le travail des populations hindoues étant bien connues, il convient maintenant d’arriver aux résultats de ce travail, aux divers produits qui attirent le commerce européen dans l’Inde. En première ligne se présente l’indigo du Bengale, qui règne aujourd’hui sans rival sur les marchés de l’Europe et de l’Amérique.

L’indigo a de tout temps joué un grand rôle dans l’histoire commerciale de ces contrées : même avant la découverte du passage par le cap de Bonne-Espérance, la plante indigotière, qui croît naturellement sur le sol de l’Inde, alimentait de cette belle teinture le marché européen par la voie d’Alep. Les Hollandais introduisirent les premiers l’indigo par mer en Europe, et le succès de leurs expéditions appela sur ce produit indien l’attention des aventuriers de toutes les autres nations. Vers la fin du XVIIe siècle, la compagnie anglaise des Indes importait en moyenne annuelle 50,000 livres d’indigo. Cependant une rude concurrence à l’indigo de l’Inde se préparait dans les établissemens que l’Angleterre, la Hollande et surtout la France venaient de fonder dans les îles du Nouveau-Monde. Sous la triple influence de l’énergie, de la science et des capitaux européens, l’industrie de l’indigo, transportée sur le sol favorable des Antilles, donna des produits tellement supérieurs aux produits de l’Inde, que ces derniers disparurent presque complètement du marché européen. La belle colonie de Saint-Domingue, alors dans toute sa prospérité, conquit le monopole de l’industrie nouvelle, et des documens dignes de foi attestent que l’Angleterre, vers la fin du dernier siècle, prenait annuellement à l’établissement français pour un demi-million sterling d’indigo, somme qui, par une singulière analogie, re-