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sonne pas comme l’école ; il explique, à l’aide de tous les moyens du discours. Le raisonnement ne vient qu’en son lieu et semble moins un procédé qu’un mouvement de l’âme. Bossuet raisonne comme le peuple fait des figures, sans le savoir. Et pendant que le dialecticien échoue devant la raison de tel petit esprit opiniâtre qui du doute où vous l’avez laissé passera bientôt au mépris, Bossuet, en attaquant l’homme par tous les points sensibles, abat toute contradiction et jette l’âme la plus rebelle dans un trouble d’où sortira peut-être la foi, mais d’où ne sortira jamais le mépris.


III. — MASSILLON.

Si Bossuet est l’orateur de la chaire, si Bourdaloue en est le dialecticien, Massillon en sera peut-être le rhéteur.

Il ne faut pas prendre cette qualification par le mauvais côté. N’est pas rhéteur qui veut. Il y a souvent de l’orateur dans le rhéteur. Une imagination vive, une mémoire assez vaste et assez prompte pour servir comme d’une seconde intelligence, le talent d’écrire, la science du langage, on n’est pas rhéteur à moins. Pourtant ce mot signifie plus d’esprit que de génie, plus d’habileté que d’invention, plus de procédés que d’inspiration véritable. C’est un art dont l’objet est moins d’exposer des principes que de développer des lieux communs, et de persuader que de plaire. On y donne plus de soins aux mots qu’aux choses, à l’éclat du discours qu’à l’efficacité, et, dans le langage même, à l’harmonie plutôt qu’à la propriété, à ce qui brille qu’à ce qui se grave.

Il y a de tout cela dans Massillon ; mais pour être juste, mettez-y le charme et comme le correctif d’une intention toujours pure, d’une foi sincère, de la raison et de la charité. S’il est rhéteur, c’est que ses procédés sont trop souvent au-dessous de son objet, et ses moyens moins bons que sa volonté.

C’est un premier trait du rhéteur que de négliger les principes qui, dans le christianisme, sont le dogme et les mystères, et de donner toute la place à l’enseignement moral. Déjà Bourdaloue avait affaibli l’autorité du sermon en y réduisant la part du dogme ; Massillon, en l’omettant tout à fait, ou, ce qui est la même chose, en ne le rappelant que pour mémoire, fit du sermon une leçon de morale, où le christianisme ne paraît être que la plus sévère des philosophies humaines. Il tient les mystères pour établis, toutes les difficultés de la religion pour résolues ; il craint de hérisser son discours de textes sacrés ; il cite peu les pères, et pour ôter au discours l’air mondain plutôt que pour y mettre le nerf de la tradition. Enfin le christianisme dogmatique n’est redevable à ce prédicateur d’aucune de ces dé-