Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
TITIEN

L’heptarchie des peintres, dont j’ai parlé plusieurs fois, n’est pas une pensée qui m’appartienne : je n’ai fait que l’affirmer avec le secours de mes études personnelles. Quant aux élémens dont cette pensée se compose, ils sont appréciés depuis longtemps par tous les hommes du métier et par tous ceux qui ont étudié l’histoire de la peinture. Le seul mérite que je revendique, et sans doute il est bien mince, c’est d’avoir développé la pensée de l’heptarchie en caractérisant d’une manière précise chacun des rois qui dominent la forme exprimée par la couleur. C’est à ces termes très modestes que j’entends réduire l’honneur de mon affirmation. Dans le domaine de la peinture comme dans les autres domaines de l’intelligence, chacun plaide pour son saint, pour son clocher. L’Espagne ne se fait pas prier pour placer Murillo au-dessus de Raphaël, Ribera au-dessus de Michel-Ange ; la France ne demanderait pas mieux que de mettre Nicolas Poussin au-dessus des plus grands maîtres de l’Italie ; l’Allemagne, à son tour, fait valoir ses prétentions, et parle avec orgueil d’Albert Durer et d’Holbein. Pour estimer la valeur des protestations contre l’heptarchie que nous venons d’énoncer, il suffit de connaître l’histoire générale de la peinture en Europe. Pour l’esprit qui veut bien se placer à ce point de vue, l’impartialité n’est pas seulement facile, mais nécessaire. L’Espagne, la France, l’Allemagne, reprennent le rang qui leur appartient sans qu’il soit besoin d’appeler à son secours la pénétration. Quand on embrasse d’un regard tous les efforts de l’imagination européenne pour exprimer la beauté par la couleur, on arrive naturellement à cette conclusion, que les plus grands maîtres de l’art dans les temps modernes s’appellent Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël, Allegri, Titien, Rubens et