Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à Rubens, quant à Rembrandt, leurs titres sont établis par des œuvres assez nombreuses, assez éclatantes, pour n’avoir pas besoin d’être défendus. Ils ont envisagé la nature autrement que les maîtres italiens, et la manière dont ils ont rendu leur pensée, le caractère particulier des procédés qu’ils ont employés, l’excellence des compositions signées de leur nom, marquent leur place dans l’heptarchie ! Qu’on vienne me dire que Nicolas Poussin est l’égal de Rubens par l’expression poétique, je ne m’en étonnerai pas, et j’accepterai sans hésiter cette affirmation comme très légitime. Seulement le procédé de Nicolas Poussin n’a rien de nouveau ; les effets qu’il produit sont des effets connus avant lui. Aussi, malgré l’élévation constante de sa pensée, malgré le choix exquis des lignes, il ne fait pas partie de l’heptarchie. Même chose à dire de Claude Gelée. Assurément les œuvres de ce maître sont au nombre des plus belles, des plus harmonieuses ; mais pour ceux qui connaissent l’état de l’art avant lui, ses œuvres n’ont rien d’inattendu : c’est l’application très habile de méthodes déjà pratiquées, et pour cette raison Claude Gelée n’entre pas dans l’heptarchie.

De tous les rois que j’ai nommés, celui dont le couronnement soulève les plaintes les plus nombreuses est à coup sûr Rembrandt. Pour comprendre la valeur de ce maître, pour lui rendre justice et lui assigner le rang qui lui appartient, il faut se détacher des traditions helléniques. Si l’on veut juger les œuvres de Rembrandt en prenant pour type immuable de la beauté les bas-reliefs et les statues que la Grèce nous a laissés, on ne peut manquer de les condamner. Toute la question est de savoir si la beauté n’a qu’un aspect, si la distribution de la lumière n’offre pas autant d’intérêt que le choix des lignes, ou du moins n’excite pas un intérêt très vif et très légitime même après le choix des lignes. Le problème ainsi posé, le rang de Rembrandt ne sera plus contesté ; sa place dans l’heptarchie ne saurait lui être disputée. Personne avant lui n’avait distribué la lumière avec autant de prudence et d’avarice ; personne n’avait emprisonné les rayons du soleil de façon à donner, comme lui, du relief aux objets noyés dans l’ombre. C’est là, ce qui a fondé son originalité, c’est là ce qui a marqué son rang. Qu’on vienne maintenant parler de la physionomie vulgaire de ses personnages, je n’accorderai pas à cette objection une valeur absolue, car il y a dans l’œuvre gravée de Rembrandt des têtes de jeunes filles vraiment charmantes, et dans ses tableaux il y a des figures qui nous émeuvent par l’énergie et l’expression. Le type de ces figures ne se recommande pas par la pureté des lignes, mais elles nous attirent et nous séduisent par le naturel, par la vérité. Et comme l’effet dont je parle est obtenu par un procédé inconnu avant Rembrandt, comme il n’est