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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/533

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bouleverser toute la trame ourdie par M. de Metternich. Révolte de son orgueil outragé, haine et vengeance contre l’Autriche, dédain au fond plus affecté que sincère des ressources de cette puissance, confiance, exagérée à dessein, dans sa propre force, tous ces sentimens se peignent douloureusement et à la fois dans une série de dépêches que le duc de Vicence écrit de Dresde à M. de Narbonne.


« Dresde, 18 mai.

« L’empereur Napoléon ne veut point tromper l’Autriche ; il est mécontent d’elle, puisqu’elle a rompu le traité d’alliance. Il ne lui fera aucune proposition. Son ambassadeur à Vienne doit rester froid, observer, écouter, et ne rien dire. Cette attitude est celle de la franchise et de la dignité. ».


« 14 mai.

« L’empereur a trouvé à Dresde des lettres de M. de Metternich qui prouvent sa mauvaise foi et sa parfaite connivence avec nos ennemis. Il a été jusqu’à fournir à l’envoyé russe, M. de Stackelberg, des renseignemens détaillés sur l’état de notre armée. L’Autriche veut recouvrer ce qu’elle a perdu par de petits moyens qui la déshonorent. Certes elle ne serait pas assez folle pour tenter en ce moment de se déclarer contre nous. L’empereur Napoléon pardonne à l’Autriche ce qui s’est passé, il veut même l’ignorer ; il veut la paix, il n’est pas éloigné d’adopter le statu quo ante bellum. Quelque chose qui puisse arriver, sa majesté impériale désire rester l’ami de la maison d’Autriche, à moins que cela ne devienne tout à fait impossible. Si l’empereur Napoléon le voulait, il s’arrangerait tout de suite avec l’empereur Alexandre. Ce prince n’a point perdu ses sentimens d’amitié pour l’empereur des Français, et si nous lui offrions la Pologne, quel ne serait pas son empressement de sortir à ce prix d’embarras ! Une mission au quartier-général russe partagerait le monde en deux. Ces réflexions disent à votre excellence tout ce que peut l’empereur si on le pousse à bout, et tout ce que l’Autriche doit craindre si elle ne revient ; pas au désir de profiter encore de son union avec la France. »


Autre lettre datée également du 14 mai.


« L’Autriche a trois partis à prendre : être neutre, alliée ou ennemie. Sa majesté préférerait que cette puissance restât neutre, mais sous la condition que ce serait une neutralité désarmée. Sa majesté est dans un tel état de puissance, cette puissance sera surtout si formidable dans un mois, que l’empereur préférerait d’abord la neutralité, ensuite l’alliance, à la guerre. »


Enhardi cependant par toutes les informations qu’il recevait du camp des alliés, le cabinet de Vienne se fortifiait chaque jour dans sa résolution d’intervenir en médiateur armé. Le comte de Stadion écrivait à M. de Metternich que l’échec éprouvé par les alliés à Lutzen n’avait point altéré le moral des soldats, que leurs troupes étaient dans les meilleures conditions possibles, et surtout remplies d’ardeur,