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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/554

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ne pouvant se concevoir sans la plus entière indépendance, il était convenable de réserver momentanément le traité tout entier. « De cette manière, dit-il, l’alliance ne sera point rompue, mais seulement suspendue. » C’était jouer sur les mots, et, sous des artifices de paroles, dénouer l’alliance qu’on ne se sentait pas encore le courage de rompre avec éclat. Napoléon jugea indigne de lui de se prêter à de pareilles subtilités. « On ne doit, dit l’empereur à M. de Bassano, considérer ces propositions que comme une renonciation à l’alliance, et c’est ainsi que je l’entends. Répondez à M. de Metternich que nous ne voulons pas rendre notre alliance onéreuse à nos amis, et qu’en conséquence je ne fais aucune difficulté de renoncer au traité. » Le second point était de déterminer le mode de négociations qui serait adopté à Prague. À cet égard, le dissentiment entre les deux cabinets était profond. M. de Metternich insista avec la plus grande force pour que le médiateur fût seul chargé de transmettre aux alliés comme à la France leurs propositions réciproques et écrites. Le duc de Bassano combattit cette prétention avec une égale fermeté. M. de Metternich sentit que, s’il insistait trop fortement, la médiation courrait risque de n’être pas même acceptée, et comme de part et d’autre on désirait l’ouverture du congrès, on sut éviter le danger d’une déclaration trop nettement formulée. M. de Metternich, qui a toujours excellé dans l’art de voiler sa pensée sous le vague et les demi-teintes de la parole, fit des concessions qui étaient dans les mots plus que dans les choses. Il protesta que le médiateur se présenterait non comme arbitre, mais comme conciliateur. De notre côté, nous ne manquâmes point d’interpréter plus, tard cette déclaration comme un engagement précis, et la difficulté, fut non pas tranchée, mais simplement ajournée.

Ces discussions étaient un mauvais prélude aux ouvertures d’une nature infiniment plus délicate que M. de Metternich était chargé de faire directement à l’empereur Napoléon. L’irritation de ce souverain était au comble. L’envoyé de l’empereur d’Autriche était l’inspirateur de cette politique, tour à tour cauteleuse et menaçante qui, avait créé tous les dangers de notre situation, le même qui avait fait le mariage, qui plus tard avait sollicité l’alliance, et qui aujourd’hui venait en personne nous demander de nous humilier. Napoléon, dans un entretien, qui ne dura pas moins de dix heures, lui reprocha avec véhémence et dureté tous les torts, toutes les duplicités de sa cour. Il lui déclara que jamais il ne se soumettrait aux conditions qu’elle prétendait lui imposer. Aux violentes sorties de l’empereur, M. de Metternich opposa un calme imperturbable ; il rappela que l’empereur son maître n’avait pas cessé depuis six mois de conseiller la paix, qu’il ne pouvait ni rester neutre ni traiter uniquement