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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/562

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les seuls élémens d’appréciation qui de Prague fussent envoyés à l’empereur Napoléon. Il en était d’autres confidentiels et préparés par d’autres mains. Le duc de Bassano, trop scrupuleux et trop soumis pour oser se croire le droit de rien dissimuler à son maître, lui transmettait tout indistinctement. Voici ce qu’il lui écrivait le 2 août : « Les étrangers qui approchent les plénipotentiaires des alliés à Prague disent qu’ils sont sûrs de l’Autriche et qu’ils ne manqueront pas de rompre les négociations le 10 août, parce que, avec l’Autriche pour eux, ils aiment mieux la guerre que la paix… L’Autriche ne peut pas rester neutre ; en cas de guerre, elle ne voit rien à gagner à se mettre contre nos ennemis, et il est plus avantageux à ses intérêts de combattre contre nous que pour nous. — Tel est le langage de tout ce qui entoure M. de Metternich. »

L’empereur, après sa courte entrevue avec l’impératrice, était revenu à Dresde. La persistance des alliés à négocier comme à Teschen et l’attitude de leurs plénipotentiaires nous enlevaient tout espoir de traiter directement avec la Russie et de prolonger les négociations. À Prague comme à Newmarck, toutes nos avances avaient été repoussées ; nous ne pouvions plus douter que les trois puissances ne fussent indissolublement unies pour nous faire la guerre, si elles ne pouvaient parvenir à nous imposer la paix avant le 11 août. Ce fut pour Napoléon une cruelle déception. L’amertume de son dépit se trahit dans la lettre suivante, dictée le 4 août au duc de Bassano :


« Le duc de Vicence saisira la première occasion de faire sentir à M. le comte de Metternich combien son langage est inconvenant et fait pour blesser l’oreille d’un ministre qui ne vient à Prague ni pour faire des bravades, ni pour en entendre. Il est absurde de dire que le 10 août soit le terme rigoureux de la négociation. Une négociation de cette importance, fût-elle commencée, on ne pourrait prétendre la finir en aussi peu de jours. Il faut relever de pareils discours et traiter avec le dédain qu’elle mérite cette politique qui tend à attirer la guerre chez soi, dans l’intérêt d’une puissance contre laquelle on combattait il y a quelques mois, et contre l’intérêt d’une autre puissance dont a voulu devenir l’alliée il y a une année. »


Ce n’était là pourtant que le cri d’une âme altière qui se débattait sous le poids d’une situation plus forte que sa volonté. En vain Napoléon se révoltait contre la détermination prise par les alliés et par l’Autriche. Il sentait bien que c’était là un arrêt sans appel, et que, si dur qu’il fût, il fallait s’y soumettre, ou entrer en guerre avec les trois puissances. Dans cette cruelle situation, il ne lui restait plus qu’à s’adresser à l’Autriche, à lui demander son dernier mot, et si ce mot était une paix acceptable, à la signer sur l’heure. En conséquence,