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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/63

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dans la Bukovine et dans la Galicie. L’empereur Napoléon manœuvrerait de manière à couper la Silésie de toutes communications avec la Russie et à faciliter à l’armée autrichienne la conquête de cette province. »

Là ne se bornèrent point les offres de la France, et on laissa espérer au prince de Schwarzenberg que, si l’Autriche consentait à resserrer ses nœuds avec nous, on lui restituerait les provinces illyriennes. M. de Narbonne communiqua le 10 avril à M. de Metternich la substance de nos dernières propositions. Treize jours s’étaient écoulés depuis celui où elles avaient été expédiées. Dans cet intervalle, la situation s’était bien aggravée. Un événement considérable s’était accompli : la Prusse avait officiellement déclaré la guerre à la France, et cette nouvelle avait jeté la capitale et les populations allemandes de l’Autriche dans un véritable délire. L’impatience de nous combattre et d’anéantir notre suprématie avait envahi toutes les classes, et Vienne présentait le même spectacle que Berlin en 1806, avant la bataille d’Iéna. Des écrits pleins de fiel circulaient dans toutes les familles et les poussaient à la guerre sainte. La haute noblesse et l’armée, honteuses de leur inaction, enviaient aux Prussiens l’honneur de délivrer l’Allemagne. Elles disaient que l’Autriche ne pouvait laisser le premier rôle à sa rivale, et qu’à moins de renoncer pour jamais à sa suprématie séculaire, elle devait sans retard et d’une main ferme prendre la haute direction des intérêts allemands. L’alliance de famille n’arrêtait point la véhémence des discours. M. de Narbonne écrivait le 1er avril : « Les journaux et écrits périodiques qui appellent les peuples aux armes et leur promettent une constitution portent le désespoir dans le cœur de M. de Metternich. Il n’hésite pas à comparer à des comités de salut public les conseils de l’empereur de Russie et du roi de Prusse. Partout ici, dans les cafés, sur les murs, dans les cris du peuple, éclate l’horreur du nom français. Tous les malheurs qui affligent ce pays, la cherté des vivres, la disette de l’argent, c’est à la France qu’on les attribue. La haine des salons contre nous tient du délire. » Il était visible qu’à mesure que s’élevait la passion publique, le gouvernement mollissait ; il ployait sous la tempête déchaînée. L’impulsion était si violente, les esprits tellement emportés, que si quelque grand événement ne venait changer le cours des idées, M. de Metternich serait inévitablement forcé, ou de se prononcer contre la France, ou de se retirer.

L’accueil fait à nos dernières propositions se ressentit d’un tel état de choses. Moins que jamais l’Autriche était disposée à former avec nous une alliance intime. Elle n’avait qu’une ambition, c’était de profiter des avantages de la situation pour imposer aux puissances belligérantes sa médiation, non plus simplement amicale,