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que nous ayons à lui adresser. À la fin de son quatrième volume sur le XVIe siècle, M. Michelet dit hardiment : « Cette histoire n’est pas impartiale. » Soit, si l’auteur veut dire par là que son histoire est écrite en faveur de l’un des grands partis qui se disputèrent à cette époque le gouvernement du monde. Malheureusement ce n’est pas la seule partialité qu’on ait à lui reprocher. M. Michelet n’est pas seulement injuste de parti pris, il l’est encore par légèreté. Il se met maintes fois en contradiction avec lui-même, et lance des accusations qu’il se charge de réfuter cent pages plus loin. Ainsi, dans le portrait très nouveau et très original qu’il a tracé de Charles IX, il fait ressortir la pureté relative des mœurs de ce malheureux roi. « Il n’eut rien, dit-il, des infâmes amours des Valois, des égouts de son frère. » Les égouts d’Henri III, ce mot doit avoir un sens ; M. Michelet pense donc que les commérages du temps n’ont point menti. Dans le volume suivant, l’historien, après avoir analysé avec, une finesse psychologique admirable le caractère d’Henri III et expliqué très judicieusement ses goûts féminins, le lave complètement des infamies dont on l’accuse. Pourquoi donc alors se presser autant de prononcer ce vilain mot d’égouts ? D’autres fois la force de la vérité l’emporte malgré lui sur ses passions et l’oblige à se démentir lui-même. Ainsi il n’a pas assez d’expressions méprisantes pour le règne de Louis XII, ce roi des bourgeois, cette dupe, ce Cassandre, ce triste mari, cet allié des Borgia, et cependant, lorsque vient le moment de résumer ce règne, il est obligé de convenir qu’il fut pour la France « une halte heureuse entre les gaspillages de Charles VIII et les prodigieuses dépenses de François Ier. » Sous l’administration de ce roi, peu brillant, il est vrai, mais sage et prudent, la France fut prospère, le trésor public toujours bien garni, les dettes de l’état rigoureusement payées, les impôts réduits. La justice fut réformée, les coutumes fixées en loi, et les petits eurent dès-lors un recours contre les grands. Pour trouver une administration comparable à celle de Louis XII et de George d’Amboise, il faudra passer par bien des années de famine, de banqueroute, de misère, et aller jusqu’à Henri IV et à Sully. N’est-ce donc rien que tout cela, et le roi à qui la France dut et cette prospérité temporaire et ces réformes durables n’a-t-il pas droit à une autre récompense que des épithètes bouffonnes ?

D’autres fois encore, M. Michelet, ne tenant aucun compte de la difficulté des situations, juge les personnages politiques non d’après ce qu’ils ont fait, mais d’après ce qu’ils auraient dû faire ; il les juge avec le critérium politique du XIXe siècle, et les condamne ou les absout en vertu d’idées philosophiques qu’aucun d’eux ne soupçonnait. Il les mesure d’après l’idéal de 1789, et contemple le XVIe siècle du point de vue de la révolution française. Sous sa plume,