Confus, interdit, M. de Metternich ne trouvait plus d’argumens pour se justifier. « Ne serait-il pas absurde, disait-il, que les Autrichiens se battissent pour les Polonais ? Jamais on ne déterminera les troupes du général Frimont à se battre pour leur conserver Cracovie. » Alors M. de Narbonne reprit avec une dignité solennelle : « Considérez bien de quelle immense responsabilité vous vous chargez. Si votre parti est pris contre la France, je n’ai plus rien à dire ; mais si vous balancez encore, quelle conclusion pensez-vous que nous puissions tirer de la retraite du général Frimont ? » M. de Metternich, poussé à bout, répliqua que l’empereur des Français, en exigeant la coopération du corps auxiliaire, n’avait voulu qu’une chose, c’était de mettre l’Autriche à l’épreuve. « Et quand cela serait, dit vivement M. de Narbonne, vous conviendrez qu’il aurait eu quelque raison, puisque la première démarche que vous faites est de violer le traité qui subsiste encore. Je ne puis différer de m’expliquer avec vous : l’empereur mon maître a désiré et désire encore la bonne intelligence entre la France et l’Autriche. Il a désiré voir les forces de cette dernière puissance consacrées à la pacification générale. Dans cette pensée, il a fermé les yeux sur plusieurs démarches, et particulièrement sur l’armistice conclu en janvier, sans son aveu, par un corps d’armée soumis à ses ordres. En vain m’objecterez-vous l’utilité prétendue de cet armistice. Le mal que le corps auxiliaire aurait pu faire aux Russes était incalculable. Son commandant n’avait pas le droit de conclure un tel armistice. La France ne s’est pas plainte pourtant : elle n’a point provoqué de nouvelles résolutions de votre part ; elle vous a laissé le temps de les peser et s’en est tenue religieusement au traité de Paris. »
Après ce second entretien, M. de Narbonne, aussi ému qu’attristé, rentra chez lui, rédigea une note qui constatait la violation du traité de Paris, et l’envoya à M. de Metternich. Le 23, il demanda et obtint la faveur d’être reçu par l’empereur d’Autriche. Ce souverain ouvrit l’entretien en annonçant que le général Frimont avait déjà reçu l’ordre de se retirer, que la cause déterminante de ce mouvement était qu’en conservant ses positions avancées, il s’exposerait inutilement. L’empereur ajouta : « Je ne veux pas que mes troupes soient morcelées. Les Polonais feront ce qu’ils voudront, mais je conseille à votre maître de ne point se fier à eux. » M. de Narbonne allégua les stipulations précises du traité de Paris. L’empereur reprit : a Mais c’est votre maître qui l’a annulé en me pressant de proposer la médiation armée. » Alors M. de Narbonne conjura son auguste interlocuteur de vouloir bien confondre les deux rôles, celui d’allié et celui de médiateur. « C’est ma conviction, reprit ce prince, que je ne puis pas être à la fois en guerre et médiateur. Cette confusion de rôles détruirait