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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/65

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de Narbonne se rendit chez M. de Metternich, et il lui dit : « L’empereur s’explique nettement au sujet du corps auxiliaire. Il considère ce corps comme faisant partie de son armée ; il lui assigne son poste et vous annonce d’avance les mouvemens qu’il va lui prescrire. »

À ces mots, M. de Metternich ne peut maîtriser son trouble. Sa figure pâlit et rougit tour à tour ; sa voix elle-même est altérée. Il objecte que le corps auxiliaire est bien faible, qu’il est le seul boulevard qui couvre la Galicie, et que l’exposer dans une lutte inégale, ce serait compromettre le cœur de l’empire. « Mais, répond M. de Narbonne, considérez que le contingent est un corps de la grande armée qui lie ses opérations à celles des autres. Les mesures que l’Autriche croira devoir prendre pour faire respecter la Galicie ne sauraient influer sur la destination du contingent, dont elle ne doit pas disposer. Encore une fois, faites que ce corps demeure dans sa position actuelle. S’il se retire, c’est vous qui serez responsable des complications qui en résulteront. » Pensif, silencieux, M. de Metternich semblait abîmé dans ses réflexions. M. de Narbonne reprit avec l’accent de la persuasion : « Quel avantage trouvez-vous à gagner du temps, et qu’attendez-vous pour vous décider ? Les événemens de la guerre vous ôteront nécessairement une partie de cette prépondérance que nul ne vous conteste aujourd’hui. » M. de Metternich rompit enfin le silence : « Nous ne voulons que la paix, dit-il ; mais sur quelle base l’établir ? Savez-vous vous-même ce que veut la France ? l’empereur ne prétend céder sur rien. Les villes anséatiques par exemple, il s’obstine à les détenir. »

Le ministre promit d’adresser le soir même la réponse de l’empereur son maître. Tout ce jour et le lendemain s’écoulèrent sans que la réponse promise fût envoyée. Le 20, l’ambassadeur de France se transporta de nouveau chez M. de Metternich, qu’il trouva malade et agité. Le ministre lui dit avec un embarras inexprimable que l’empereur d’Autriche venait d’apprendre que le général Frimont était en pleine retraite. À cet aveu, M. de Narbonne témoigne plus que de la surprise. M. de Metternich cherche à justifier la résolution de sa cour. « Le corps du général Sacken, dit-il, comptait plus de 30,000 hommes ; conséquemment le corps auxiliaire n’avait pu faire autrement que de se replier sur la Galicie. » M. de Narbonne répliqua que les corps combinés du général Frimont et du prince Poniatowski étaient, de l’aveu même du ministre, plus nombreux que ceux de l’ennemi, a Ainsi, s’écria-t-il avec l’accent d’une âme indignée, vous prétendez que le contingent ne doit pas se battre, malgré le traité qui l’y oblige, malgré les assurances que vous-même vous m’avez données ! »