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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/679

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établie entre elle et la Russie, à l’ouest de son empire hindou. Hérat était un des arcs-boutans de cette barrière ; l’Angleterre veut, à tout prix, le ressaisir et le consolider de nouveau. Aujourd’hui Hérat est entre les mains des Persans, il n’est pas probable qu’ils lê rendent : si c’est la Russie qui a suggéré l’idée de s’en emparer, elle emploiera tous les moyens pour qu’ils le gardent.

Il s’ouvre ainsi de ce côté du globe un champ nouveau aux conjectures, une nouvelle carrière à l’ambition des gouvernemens, et, il faut bien le dire, aux animosités nationales. À peine la paix est-elle signée au congrès de Paris, que la guerre, terminée en Europe, menace de se rallumer en Asie entre deux des puissances belligérantes : la Russie fait, au moyen des Persans, la campagne d’Herat contre l’Angleterre ; celle-ci fait en Perse une invasion dirigée en réalité contre la Russie. En attendant que des faits nouveaux se produisent, on peut apprécier les causes et conjecturer les résultats des événemens accomplis.


I

Nasr-ed-din-Châh prétend que Hérat lui appartient, il appuie ses prétentions sur l’histoire : voyons ce que l’histoire nous apprend.

Quand on veut remonter le cours des siècles et interroger les anciennes annales de la Perse ou des pays limitrophes, on se perd dans un obscur dédale de faits incertains. Il est très difficile de savoir par quelles vicissitudes Hérat était devenue autrefois la conquête des Persans. On peut seulement distinguer, à la faible lueur des documens orientaux antérieurs à la grande époque des Sophis, qu’Hérat commença vraisemblablement à partager les destinées de la Perse, au moment où Taïmour-Lenk, autrement dit Tamerlan, se rua sur ses voisins pour fonder cet immense empire qui ne reposait que sur son glaive. Sa première conquête fut celle du Khorassân, qui entraîna l’annexion d’Hérat à la Perse par la soumission de ce pays vers le milieu du XIVe siècle. Taïmour partagea ses vastes états entre plusieurs chefs, et Châh-Rokh, son fils, eut dans son gouvernement la Perse et le Khorassân avec Hérat, qu’il fit rebâtir. Ici on commence à voir un peu plus clair : la province d’Hérat et la Perse sont un seul et même royaume. Bientôt on retombe dans l’incertitude, et le fil conducteur à travers ce labyrinthe de faits, de guerres, d’assassinats et d’usurpations se rompant tout à coup, on perd la trace d’Hérat. Cependant après quelques années on retrouve cette ville, ainsi que l’Iran, entre les mains de Onzbûn-Hassân-Châh, que la guerre et le crime firent succéder au descendant de Taïmour. Après ce prince, les discussions et les combats se renouvelèrent si bien, que tout ce qui restait de l’empire et de l’héritage du conquérant tartare s’en