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poussa ses incursions jusque dans l’Inde, où il inquiétait sérieusement la puissance anglaise. Pour se débarrasser de ce voisin incommode, l’Angleterre décida la Perse à guerroyer contre Zeman-Châh. Ce fut alors, en 1800, que sir John Malcolm fut envoyé à Téhéran, avec de pleins pouvoirs pour accorder des subsides au monarque persan. Le représentant de la Grande-Bretagne exhortait à cette époque le châh à s’emparer d’Hérat ; il déclarait, au nom de son gouvernement, que l’Angleterre « n’entendait prétendre à aucune part des conquêtes ou du butin qui pourrait être acquis par la Perse[1]. »

Après des discussions interminables, des guerres intestines qui désolèrent l’Afghanistan, et pendant lesquelles l’Angleterre respira plus à l’aise de ce côté, le châh de Perse vit la province d’Hérat se ranger de nouveau sous son autorité. Le prince afghan, Khamrân-Mirza, qui était en possession d’Hérat en 1829, craignant la puissance du souverain de Kaboul, se fit vassal du roi de Perse pour avoir un protecteur. Il vint à Téhéran recevoir son investiture des mains mêmes de Feth-Ali-Châh, le reconnut pour son seigneur suzerain, et s’engagea à lui payer un tribut annuel. Cela se passait sous les yeux de l’Angleterre et sans aucune opposition de sa part : elle trouvait sans doute son avantage dans cette union du prince d’Hérat et du roi de Perse, qui tenait l’Afghanistan en échec.

Les Persans paraissent avoir toujours eu une grande prédilection pour Hérat, car voici comment leurs écrivains s’expriment à son sujet dans leur langage métaphorique : « Le monde est une mer au sein de laquelle le Khorassân est une huître à perles ; Hérat est la perle renfermée dans cette coquille. » — Et encore : « Si l’on te demande quelle est la ville la plus excellente, et si tu veux répondre la vérité (restriction toute persane), tu diras que c’est Hérat. » — Voilà sans doute d’excellentes raisons pour que le châh ait cherché à rattacher à sa tourâh cette perle qui en était tombée.

Hérat est une grande ville contenant environ cent mille âmes. Les habitans diffèrent des Persans par le type physique et par la religion. Ces différences se rencontrent également chez d’autres peuplades qui ne s’en reconnaissent pas moins comme sujettes du châh, les Arabes du Golfe-Persique ou les Kurdes, par exemple, qui sont sunnites de religion et parlent une langue toute différente du persan, ou bien encore les Arméniens, qui sont chrétiens et ont conservé leur langage national. On ne saurait prétendre non plus qu’Hérat soit une ville afghane, car elle est située dans le Khorassân oriental, qui est séparé de l’Afghanistan par une chaîne de montagnes. D’ailleurs existe-t-il réellement une nation afghane ? De l’étude des documens que l’on possède sur ces contrées encore peu connues, il ressort que, par le

  1. Correspondance de lord Wellesley, gouverneur des Indes, publiée en Angleterre.