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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/687

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en effet avaient obligé le prince d’Hérat à se ranger sous la protection de la Perse, comme à lui demander l’assistance de ses troupes. Quelque fondé que fût le gouvernement persan à réclamer la réciprocité, l’Angleterre s’arrangea de façon à éluder toute promesse, et il n’existe aucun traité signé d’elle par lequel elle ait pris l’engagement écrit qui lui était demandé[1].

Malgré la situation qui lui était faite, Seïd-Mohammet, le prince d’Hérat, n’en continua pas moins à se considérer comme le vassal de la Perse, et il exprima hautement cette conviction. Le châh de son côté, satisfait de la reconnaissance de sa suzeraineté, s’abstint de tout acte qui eût pu être considéré comme hostile par l’Angleterre. Les choses restèrent dans cet état du mois de janvier 1853 jusqu’à la fin de l’année 1855, et ainsi se passèrent les longs mois durant lesquels le châh, assiégé de démarches contraires, réussit à se maintenir neutre pendant la guerre de Crimée, ce dont les alliés devraient lui savoir gré, car il eût pu singulièrement compliquer la question en Asie.

M. Murray avait remplacé M. le colonel Sheil à Téhéran, lorsqu’un nouvel incident fit renaître la querelle entre le représentant de la Grande-Bretagne et le gouvernement persan. Le prince d’Hérat avait été assassiné ; un neveu de Châh-Khamrân, l’ancien chef de cette principauté, Yousouf-Khan, prit sa place. Nasr-ed-din-Châh eut naturellement le désir, si même ce n’était son devoir, de venger la mort de son vassal, qu’il attribuait aux intrigues anglaises. Il se crut donc en droit d’envoyer au printemps de 1856 une armée devant Hérat. À la même époque, Kandahâr était tombé au pouvoir de Dost-Mphammet, prince afghan dont le caractère entreprenant faisait craindre qu’il ne poussât ses soldats victorieux jusque sous les murs d’Hérat. Dans ces conjonctures, Yousouf-Khân, qui, dans l’intérêt de sa sûreté personnelle, s’était confié à la Perse et lui avait demandé assistance, se vit, par une insurrection soudaine des Hératiens, dans la nécessité de fermer les portes de sa capitale aux troupes persanes, qui durent en faire le siège. Circonvenu et menacé, il manqua à ses sermens de vasselage vis-à-vis du châh, et, cherchant un autre point d’appui, il se retourna vers l’Angleterre, qui encouragea aussitôt l’émir de Kandahâr à porter secours aux Hératiens, et lui envoya même à cet effet des officiers, de l’argent et des armes, en attendant mieux.

Pendant que ces événemens se passaient du côté de l’Afghanistan,

  1. Voici ce qu’on lisait récemment dans un important organe de la presse anglaise : «… Ce n’était pas une convention bilatérale. L’Angleterre, elle, ne s’engageait à rien. Les engagemens de la Perse reposaient, il est vrai, sur la condition que l’Angleterre n’interviendrait pas à Hérat ; mais une condition n’implique pas une obligation positive… »