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et incapable de tenir la campagne ? Ce chemin de fer deviendrait au contraire une source nouvelle d’embarras pour les pachas, en suscitant, parmi les populations sauvages qu’ils gouvernent, des causes de troublée et un aliment de plus au fanatisme qui les anime.

L’Angleterre, en ce moment, cherche à profiter de son alliance avec la Turquie pour l’attirer du côté de ses intérêts. On dit que la Porte est sur le point d’accorder la concession sollicitée. Céder à l’étranger une portion de territoire et d’autorité, se créer le grave embarras d’une responsabilité que les populations indépendantes de ces contrées rendraient impossible, voilà des inconvéniens qui semblaient devoir la déterminer à éluder cette demande par des moyens dilatoires, ou même à la refuser, péremptoirement. On se demande quelle pourrait être l’intervention du gouvernement turc dans les complications qui naîtraient infailliblement de l’exécution de ce rail-way au milieu des populations de la Syrie, du Kurdistan et de l’Arabistân turc. Dans notre opinion, ou la protection de la Porte serait illusoire, ou la concession obtenue équivaudrait à une prise de possession de la Turquie d’Asie par l’Angleterre. C’est peut-être ce que cette puissance désirerait ; mais est-ce à cette fin que voudrait arriver le ministère de Rechid-Pacha ? Quelques esprits défians avaient vu là un moyen de faire ajourner indéfiniment ou même repousser par la Porte la sanction qu’elle doit donner au percement de l’isthme de Suez. Depuis longtemps, en Égypte, les intérêts français et les intérêts anglais sont en rivalité. Dans cette lutte toujours vive, on aimerait à ne trouver qu’une émulation utile à l’Europe. La France, à qui été octroyée par le pacha la concession du grand canal rêvé depuis tant d’années, pourrait acquérir une augmentation d’influence par ce travail gigantesque. Qui sait si l’Angleterre, en adressant à son tour au gouvernement turc une demande de concession douteuse, n’a pas l’arrière-pensée de peser ainsi sur le divan, en lui faisant de ce refus une obligation d’opposer un refus semblable à l’entreprise française ? Malgré leur alliance, qui subsiste dans la politique générale de l’Europe, la France et l’Angleterre se livrent en Orient, surtout à Constantinople un combat continuel sur le terrain des intérêts matériels.


Jusqu’à présent, nous avons toujours supposé que les Persans se défendraient seuls contre le corps expéditionnaire venu de Bombay. Cependant, si la partie était vraiment sérieuse, l’armée anglaise pourrait bien rencontrer en face d’elle d’autres adversaires que les serbâs du châh tout seuls. La prise d’Hérat n’aurait sans doute donné lieu à aucune objection de la part du ministre anglais à Téhéran, si la Russie ne se trouvait derrière l’armée persane, et si Hérat n’était pas considéré à Londres comme devant fournir plus