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pouvons encore signaler quelques jolis détails d’un duo de soprano et ténor entre Rafaël et la reine Topaze, le chœur des gondoliers, qui se chante derrière les coulisses, et qui ne vaut pas certes celui de la Reine de Chypre, un vrai chef-d’œuvre, et l’andante plein de distinction de l’air de soprano que chante toujours la reine. Topaze :

Adieu, rêve de bonheur !

et dont l’allegro pourrait être supprimé sans grand dommage pour la gloire du compositeur.

Le second acte s’ouvre par un dialogue en deux couplets :

Rira bien celui-là
Qui le dernier rira,

que la reine Topaze et Rafaël chantent tour à tour en exprimant leur gaieté par des éclats de rire heureusement enchâssés dans quelques notes chromatiques bien choisies. Le duo pour soprano et baryton entre Annibal, un viveur riche, sot et prétentieux, qui sert de pivot à toute l’intrigue de la pièce, et la comtesse Filomèle, une franche coquette dont il est amoureux, ce duo pourrait être aussi supprimé, ce qui ferait ressortir d’autant l’espèce de septuor syllabique pour voix d’hommes, et qui est détaillé avec beaucoup d’adresse. C’est au milieu de la fête que donne le vaniteux Annibal dans un palais magnifique, où l’on reconnaît l’imitation du tableau de Paul Véronèse qui est au musée du Louvre, que Mme Carvalho chante les variations sur l’air du Carnaval de Venise, où elle jette toutes les notes de son gosier et plus encore. Dans la troisième de ces variations, la cantatrice oppose avec un art infini les quelques notes de poitrine qu’elle possède avec celles qui forment le registre supérieur. C’est par ce jeu de bascule que se termine ce divertissement vocal au milieu d’applaudissemens frénétiques. Ce que c’est que de nous pourtant ! Enfin le finale du second acte, beaucoup trop long, commence par un chœur de bohémiens qui envahissent le palais du fastueux Annibal. On ne remarque dans cet ensemble un peu confus que la complainte des deux bohémiens qui sont les loustics de la pièce. Au troisième acte, on peut encore signaler la scène originale entre les deux bohémiens qui se dévoilent aux yeux de l’imbécile Annibal, et le duo pour soprano et ténor entre Rafaël et la reine Topaze, duo chaleureux, mais décousu et trop long.

Assurément la musique de la Reine Topaze, dont nous ayons signalé les morceaux importans, n’est pas un chef-d’œuvre et ne renferme rien qui ne fût déjà plus ou moins connu d’avance ; mais c’est une partition distinguée, écrite avec un très grand soin, et qui mérite en partie le succès réel qu’elle obtient au Théâtre-Lyrique. M. Massé a fait de louables efforts pour agrandir la sphère de son talent, et souvent il a atteint le but qu’il se proposait. Il y a dans l’opéra de la Reine Topaze plus de relief dans les idées et plus de souffle dramatique que dans les autres ouvrages du même auteur. L’éclat de la mise en scène, l’ensemble de l’exécution et surtout le talent de Mme Carvalho ont puissamment contribué au succès de la Reine Topaze.

Il y a longtemps que nous avons signalé ici les qualités remarquables de Mlle Miolan, devenue depuis Mme Carvalho. Mme Carvalho représente le triomphe