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égaler. Le troisième acte se termine par un duo de soprano et basse non moins vigoureux que la scène précédente. Rigoletto a trouvé sa fille qui s’échappe tout effarée, comme Zerlina dans le finale de Don Juan, des appartenons du duc. Le père la questionne avec une anxiété douloureuse, et Gilda lui raconte alors son amour pour un jeune inconnu qu’elle rencontrait tous les dimanches à l’église :

Tutte le feste al tempio
Mentre pregava iddio,
Bello e fatale un giovane,
Offriassi al guardo mio.

Après ce récit touchant de Gilda, Rigoletto et sa fille expriment leur mutuelle douleur dans un ensemble un peu tourmenté, mais qui produit de l’effet. Le duo s’achève par une stretta encore plus énergique :

Si vendetta,
Tremenda vendetta, etc.

La phrase musicale qui traduit ces paroles que chante Rigoletto indigné rappelle sans doute le duo du second acte d’Otello, mais elle n’en est pas moins belle et bien appropriée à la situation du personnage, et l’ensemble du morceau est vivement applaudi par le public ému.

Le quatrième acte renferme la scène la plus intéressante et le morceau le plus remarquable de l’ouvrage. Le théâtre est divisé en deux compartimens. À droite du spectateur, on voit l’intérieur d’un bouge, une masure misérablement meublée, comme l’indique M. Hugo. C’est un cabaret, la demeure de Sparafuccile et de sa sœur Maddalena. Il fait une nuit sombre et orageuse. Le duc de Mantoue entre joyeusement dans l’auberge et demande

Deux choses sur-le-champ ;

une chambre et du vin, dit le libretto italien, qui ne brave pas l’honnêteté comme le texte du poète français. En attendant qu’on le serve, le duc chante une jolie ballade légère comme un caprice :

La donna è mobile,
Qual penna al vento,
Muta d’accento
E di pensiero…

et dont voici l’exacte traduction :

Souvent femme varie,
Bien fol est qui s’y fie !
Une femme souvent
N’est qu’une plume au vent.

Après avoir exhalé sa bonne humeur par cette agréable cantilène que M. Mario chante à ravir, le duc se met à courtiser gaillardement Maddalena, une plantureuse commère. Le duc lui fait une déclaration en bonne forme en lui donnant un gros baiser dont le bruit fait tressaillir le cœur de Gilda, qui observe, de la rue où elle se trouve avec son père, cette scène désolante.