français, car loger dans la tête du soldat natif quelques mots de langue européenne est l’une des parties les plus ardues de son éducation militaire. Étranger comme nous le sommes aux choses militaires, nous nous croyons pourtant autorisé à dire que l’instruction des régimens natifs qu’il nous a été donné de voir manœuvrer laissait peu de chose à désirer. Il y a toutefois une mollesse dans la marche, une indécision dans le maniement d’arme qui frappe à priori même des yeux inexercés, et révèle que ces corps si bien habillés, si complets sur le champ de parade, ne sauraient soutenir le choc des baïonnettes européennes. Aussi, pour résumer notre opinion sur l’efficience du cipaye comme homme de guerre, dirons-nous que la discipline, l’éducation du régiment, l’art militaire a donné le dernier mot de sa puissance en faisant le cipaye tel qu’il est, mais qu’il n’appartient pas à la science et à la patience humaine de créer un rival au soldat européen avec l’homme de l’Inde. Non pas que des traits pleins de fierté militaire manquent entièrement aux annales de l’armée native, témoins ces grenadiers qui, condamnés à mort pour rébellion dans le siècle dernier, s’appuyèrent de leur privilège de monter les premiers à l’assaut pour réclamer le droit d’être attachés les premiers à la bouche des canons, et montrer à leurs compagnons d’infortune à bien mourir, ou encore ce Scévola hindou, qui, tenant son bras en manière de défense devant la figure de son officier occupé à pointer un canon dans une embrasure de redoute, se contenta d’engager son supérieur à se dépêcher, lorsqu’une balle lui eut brisé la main ; mais cette résignation, ce mépris de la mort qui forment d’ailleurs un des traits caractéristiques du moral de l’homme de l’Inde ne compensent pas ce qui manque au soldat natif de force physique, d’énergie musculaire, de rudes appétits. Aussi, tout en rendant justice aux bonnes qualités qui distinguent le cipaye, à sa douceur, à sa sobriété, à son respect pour la discipline, ses apologistes même les plus passionnés n’ont jamais osé prétendre qu’il pût être opposé avec succès au soldat européen.
Les cantonnemens des troupes hâtives sont uniformément placés, dans les stations indiennes, aux limites du champ de manœuvre. Sous d’épais ombrages sont groupées les huttes où les cipayes vivent par couple, habitations primitives aux toits de chaume, aux murs de bambous croisés de natte, ou mieux de boue. L’intérieur ne le cède pas en simplicité, à l’extérieur : deux places à feu, deux lits grossiers, des pots de cuivre, composent tout l’ameublement de ces demeures, dignes des meilleurs jours de Sparte. Les habitations des officiers et des sous-officiers natifs se distinguent à peine de celles des autres hommes. Aux limites des cantonnemens et du champ de manœuvre s’étend une ligne de petits pavillons en maçonnerie,