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qu’il avait sous sa main. Nous savons par Martial, qui n’oublie rien, qu’un arc de triomphe fut élevé à Domitien près de la porte Flaminienne : on y voyait deux chars pour ses deux campagnes, sa statue en or et des éléphans. Il n’est pas surprenant qu’on ait de nombreuses statues de Domitien : le sénat en décréta, dit Dion, de quoi remplir l’empire. La plus célèbre de toutes était la statue équestre et colossale qui regardait le Forum, placée vers l’endroit où s’éleva depuis l’arc, encore intact, de Septime-Sévère. La platitude est vraiment bonne à quelque chose. Si le poète Stace (le louangeur le plus déhonté de Domitien, n’était Martial) n’avait pas consacré une de ces improvisations ampoulées qu’il a appelées des sylves à célébrer longuement cette statue et celui qu’elle représentait, nous serions moins sûrs que nous ne le sommes de la place véritable de plusieurs monumens importans et de la désignation à donner aux principales ruines qu’on voit aujourd’hui dans le Forum et au pied du Capitole.

Heureusement encore Stace poussait jusqu’à l’excès le goût du genre descriptif qui s’introduisait dans la littérature latine depuis qu’elle marchait vers sa décadence. À cette manie de décrire minutieusement, de faire de la topographie en vers, nous devons des renseignemens précieux sur la situation respective des monumens et des ruines. Stace, s’adressant a Domitien perché sur son énorme cheval, lui dit : « Tu embrasses le Forum, ta tête brille au-dessus des temples voisins. » Il y a là un peu d’exagération, quelle que fût la hauteur évidemment prodigieuse du piédestal ; mais il fallait bien rapprocher Domitien du ciel. Le reste est d’une scrupuleuse exactitude. « En face de toi semble t’ouvrir son temple celui qui le premier de nos dieux monta au ciel… » Il s’agit du petit temple élevé à César par les triumvirs, et qui faisait face à la statue de Domitien, à l’extrémité opposée du Forum. Il ne reste rien de ce temple ; seulement les vers de Stace confirment ce que l’on sait de l’emplacement. Stace continue : « D’un côté, tu vois la basilique Julia, de l’autre l’Emilia. » En effet, en se plaçant près de l’arc de Septime-Sévère et en se tournant vers le Forum, on avait à sa droite la première de ces basiliques, dont le sol a été retrouvé il y a quelques années, et à sa gauche la basilique construite par Emilius Paulus, qu’a remplacée l’église de Saint-Adrien. « Derrière toi, ajoute Stace, s’adressant toujours à Domitien, derrière toi, ton père et la Concorde au doux visage te contemplent. »> La statue de Domitien avait derrière elle, il est vrai, le temple de la Concorde, dans lequel se rassembla le sénat, à portée, comme je l’ai dit ailleurs, de la tribune aux harangues, d’où Cicéron prononça les Catilinaires, et dont la base existe encore à côté de l’endroit où s’éleva depuis l’image