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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/791

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l’autre regagna la crique où il avait l’habitude d’amarrer le canot.

Dès les premier bonds que Tambour fit sur le sable, il fureta comme un chien qui cherche une piste, flaira quelques touffes d’herbes, et prit sa course à travers la prairie. Georges le suivit lentement ; ses jambes le portaient à la Maison-Blanche, son esprit était à Herblay. Comme il approchait du chemin qui séparait son domaine de la prairie, il entendit de grands aboiements ; il releva la tête et aperçut de la lumière chez lui. Au même instant, la porte du jardin s’ouvrit et un jeune homme en sortit, caressant de la main Tambour, qui faisait des bonds extravagants.

— Comme Thémistocle à la cour du roi des Perses ; je viens te demander l’hospitalité, dit le nouveau venu.

— Valentin ! s’écria Georges.

Et les deux amis échangèrent une vigoureuse poignée de main, tandis que le chien, émoustillé par ce témoignage d’affection, sautait sur les jambes de l’un et sur les bras de l’autre, leur marquant à sa manière toute la joie qu’il éprouvait de cette réunion.

— Çà, dit Georges, Jacob a-t-il préparé la chambre du Désespoir ?

— Elle est prête ! répondit la voix de Jacob.

— Alors rentrons et dînons…. Tu pourras gémir ici tant que tu voudras.

III

Une heure après cette rencontre, Georges et Valentin étaient assis en face l’un de l’autre devant une cheminée où flambait un grand feu de souches et de fagots. La pièce dans laquelle ils se trouvaient était vaste, haute et éclairée par sept fenêtres qui ouvraient sur le midi, le levant et le couchant. Les murs en étaient garnis de casiers remplis de livres presque jusqu’au plafond ; un panneau était réservé aux fusils et aux divers ustensiles de chasse, tels que carnassières, sacs à plomb et poires à poudre. Dans un coin à droite, on voyait tous les engins de pêche ; l’angle voisin, à gauche entre deux fenêtres, était occupé par un établi de menuisier chargé d’outils. Au milieu même de la pièce s’allongeait une table ovale couverte d’un tapis de drap vert et tout obstruée de journaux, de revues, de brochures et de dictionnaires amoncelés autour de deux mappemondes entre lesquelles on avait placé des plumes, des crayons et des encriers. Une grande lampe, suspendue au plafond et couverte d’un immense abat-jour de tôle, éclairait la table. Quelques peaux de renard dentelées de drap rouge étaient dispersées çà et là sur le parquet. Des oiseaux de proie empaillés étendaient leurs ailes au-dessus