Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/929

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme le nôtre, les perturbations dans les fortunes, parcourant, ainsi que l’étincelle électrique, un vaste cercle de solidarité, peuvent revenir frapper la main qui les provoque. Une prise faite en mer sur des marchands de France par les Anglais supposés ennemis peut fort bien amener une faillite à Hambourg ou à New-York, et par contre-coup une à Londres même.

Quant à l’accusation d’inconséquence adressée au congrès de Paris, parce que, après avoir aboli la course, il laisse aux marines militaires régulières des belligérans la faculté de capturer les navires de commerce, elle ne nous paraît pas fondée. Il y a en effet une énorme différence entre l’action régulière des navires de l’état agissant en vertu d’instructions précises, commandés par des officiers responsables, et celle de corsaires abandonnés à leur impulsion individuelle, animés par le seul appât de l’or, et pouvant se livrer, presque toujours impunément, aux plus déplorables excès.

Reste l’argument tout américain par lequel M. Marcy croit avoir prouvé que le gouvernement de l’Union -ne pourrait renoncer à la course sans se dépouiller de son seul moyen de défense contre les puissances européennes, attendu qu’il n’entre pas dans les convenances des Américains d’avoir des flottes et des armées permanentes. J’avoue que je vois ici plus de logomachie que de véritable logique. Renoncer à la course ne serait pas renoncer à la faculté de n’avoir que des flottes et des armées temporaires pour les besoins du moment. Que les armées ne soient formées que de volontaires, que les flottes ne se composent que de navires nolisés, dès l’instant qu’elles auront reçu une organisation hiérarchique, qu’elles auront à leur tête des chefs constitués, responsables et en tout dépendans de leur gouvernement, il n’y a pas de puissance européenne qui pût refuser, avec une ombre de raison, de reconnaître en elles une force régulière et nationale devant être traitée comme telle. Supposer le contraire, c’est tout simplement chercher une occasion de déclamer contre les armées permanentes, dont on est sans doute fort heureux de pouvoir se passer, ce qui cependant n’autorise pas les gens qui ont un tel bonheur à faire des applications désobligeantes pour ceux qui ne l’ont pas.

Au surplus, il est certain qu’aujourd’hui la contre-proposition des États-Unis, bien que la forme donne lieu à des objections légitimes, trouve faveur auprès de la plupart des cabinets, et qu’aucun ne lui est manifestement hostile. Aussi ne sommes-nous point surpris de lire dans le dernier message présidentiel qu’aucune puissance ne l’a péremptoirement repoussée, et qu’une d’elles, la Russie, l’a formellement acceptée. Si nous sommes bien informé, il y aurait eu à ce sujet quelque divergence d’opinions dans les conseils du gouvernement français ; mais le débat a été circonscrit sur le terrain où nous le plaçons plus haut, c’est-à-dire sur le terrain vrai d’une discussion