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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/937

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naison, elle prendrait les moyens de la rendre sérieuse et durable. Il a été fait, nous le savons, une objection à double face, pour ainsi dire. — D’un côté, l’union porterait atteinte aux droits de suzeraineté de la Porte ; de l’autre, elle serait une infraction aux anciens privilèges des provinces, privilèges parmi lesquels serait celui d’une existence séparée. — Les droits de suzeraineté de la Porte ont été au contraire expressément réservés, et on ne peut voir sérieusement en quoi ils seraient affaiblis parce qu’ils s’exerceraient sur un seul état, au lieu de s’exercer sur deux provinces. Quant aux anciens privilèges des principautés, les populations roumaines sont les mieux placées pour se prononcer. C’est là qu’il faut toujours en revenir. La France n’a point voulu autre chose ; elle a voulu assurer aux principautés les moyens d’exprimer sincèrement et librement leurs vœux. Que si les populations de la Moldavie et de la Valachie se montrent contraires à l’union, la France ne peut évidemment se montrer plus roumaine que les Roumains eux-mêmes.

C’est dans ces circonstances que le parlement d’Angleterre vient de s’ouvrir. Chose étrange, les grands conflits de l’Europe se sont apaisés, et jamais l’Angleterre n’a été engagée dans un plus grand nombre d’affaires, dont quelques-unes sont des plus graves. La Grande-Bretagne soutient une guerre avec la Perse ; ses flottes sont dans le Golfe-Persique, et elle vient de prendre Bushir. D’un autre côté, en Chine, un de ses amiraux vient de bombarder Canton à la suite d’une violation de traité par les autorités chinoises. Sur le continent même, une certaine obscurité plane sur la politique anglaise, dont on recherche les affinités et les tendances. Le discours de la reine se ressent nécessairement de cette situation. Il constate les conflits, il est réservé sur la politique générale. Déjà des débats se sont élevés dans le parlement ; il est visible cependant que les grandes discussions n’ont pas commencé : elles se préparent, elles s’ouvriront sans doute à l’occasion de tous ces démêlés, qui sont nés à la fois. Parmi les premiers incidens parlementaires, il en est un assez curieux, quoiqu’il n’ait qu’un intérêt rétrospectif. Le chef de l’opposition dans la chambre des communes, M. Disraeli, est venu révéler qu’il y aurait eu, il y a deux ans, un traité secret signé entre l’Autriche, la France et l’Angleterre, traité garantissant à la première de ces puissances l’intégrité de ses possessions en Italie. Lord Palmerston a contesté le fait d’abord ; puis, toute information prise, il l’a avoué en ajoutant que la convention signée avait un caractère purement militaire, et n’aurait eu de valeur que dans le cas où l’Autriche aurait pris part à la guerre. Il ne paraît point douteux en effet qu’il y a eu des engagemens de cette nature entre les trois états, et même l’Autriche avait, dit-on, demandé non-seulement la garantie de ses possessions italiennes, mais encore l’entrée d’un corps auxiliaire français en Allemagne. Un article du Moniteur de cette époque indiquait suffisamment ces combinaisons secrètes. Si lord Palmerston l’a oublié, c’est qu’il n’y portait point alors un grand intérêt, et que l’état actuel de ses relations avec le cabinet de Vienne l’empêche peut-être de se souvenir d’un temps où il avait plus de sévérité pour l’Autriche. Maintenant quelle sera l’attitude des partis dans les luttes qui s’ouvriront sur la politique étrangère ? On ne peut guère le pressentir encore. Toujours est-il qu’à ces démêlés qui embarrassent la politique anglaise se lie une question intérieure très sérieuse, celle de l’income-tax, qui a provoqué une sorte d’agitation. La situa-