Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être des plus graves et conclure péremptoirement contre ses idées.

Dans cette guerre entre le germanisme et la romanité, cette dernière, quoique bien caduque, n’est d’abord vaincue que sur le champ de bataille ; partout ailleurs c’est elle qui dompte ses vainqueurs, trop peu nombreux pour faire autre chose que dominer matériellement. Tant que ce rapport subsiste, la civilisation se maintient ; mais à mesure que se prononce davantage l’élément extra-romain, c’est-à-dire aryan-germain, pour parler comme l’auteur, ou barbare, pour employer le langage ordinaire, la société, loin de s’élever, s’affaisse davantage, et alors commencent ces terribles temps du moyen âge qui préparèrent la société moderne par un procédé justement comparé à celui qui servit à rajeunir le vieil OEson. Plus tard, quand les ténèbres se dissipent, où se montrent les premières lueurs du jour nouveau ? Est-ce dans les régions les plus fortement aryanisées ? est-ce en Norvège, en Angleterre, dans ce Hanovre où, au dire de M. de Gobineau, se conserve plus pur que partout ailleurs le vieux sang aryan-germanique ? Personne n’ignore que c’est précisément le contraire. La barbarie n’a jamais été aussi complète, la renaissance s’est montrée d’abord dans les contrées les moins germanisées, dans celles qui conservaient le plus de sang hellène, romain, celtique et même sémitique, par conséquent dans celles qu’auraient dû abaisser à tout jamais les mélanges ethniques les plus multipliés et les plus complexes.

C’est là ce que contesterait probablement M. de Gobineau, car il trouve en Europe, du IXe jusqu’au XIIIe siècle, trois contrées dominant moralement toutes les autres, et ces centres sont : la Haute-Italie, où règnent les Longobards ; les contrées moyennes du Rhin, où les Germains, presque partout ailleurs envahis par la race slave, se sont conservés à peu près purs ; enfin la France septentrionale, où commandent les Franks.

Cet appel fait à l’histoire me semble aisé à réfuter. Remarquons d’abord que l’auteur ne compte parmi les centres moralement dominateurs ni la France méridionale, où la culture gallo-romaine, de nouveau florissante, fut si déplorablement écrasée par les croisés du nord, ni l’Espagne, où les Almoravides et les Almohades avaient développé une civilisation si remarquable au milieu de populations bien mélangées pourtant. En outre, si ces idées sont vraies, on est en droit de s’étonner que, parmi les centres indiqués, ne figurent aucun des lieux où la race civilisatrice avait conservé le plus de pureté, tels que la Scandinavie ou l’Angleterre. Enfin, sur les trois points cités dans le livre sur l’Inégalité des races, deux au moins ont été représentés comme peuplés de multitudes profondément avilies par le croisement ; le nombre des envahisseurs Scandinaves était relativement fort petit. Le réveil si prompt de ces populations au contact de