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du gouvernement, et contractait l’habitude des vengeances particulières. Les liens sociaux entre les diverses classes étaient rompus. Vassaux et bourgeois, imitant contre les nobles les rébellions des nobles eux-mêmes contre le gouvernement, recoururent à la force brutale et se livrèrent à de sanglantes représailles. Les lois, les poursuites judiciaires, la police, restaient impuissantes, et n’avançaient que pour reculer honteusement ensuite ; La campagne se remplissait de bandits qui attaquaient les voyageurs sur les routes et donnaient l’assaut aux maisons des riches.

Il y eut au milieu même du XVIIIe siècle, vers 1753, un exemple remarquable de cette vie de brigandage de quelques feudataires. Le Mont-Sainte-Marie, situé sur la limite de l’état de l’église et du grand-duché, était un fief d’une certaine famille Bourbon, qui l’avait reçu des anciens empereurs d’Allemagne. C’était un site sauvage et âpre, très favorable aux bandits qui s’y réfugiaient, protégés en même temps par l’horreur du lieu et par les privilèges du fief. Les marquis de Sainte-Marie se servaient de ces gens-là lorsque l’envie leur prenait de faire des braveries et de diriger des attaques de côté et d’autre. Plus d’une fois on les avait vus à la tête de semblables bandes. Cette famille était divisée en quatre branches. Celle dont nous parlons, appelée la branche de Cïttà di Castello, vivait pauvrement et fièrement dans ce fief. Elle était connue spécialement pour son caractère indomptable et ses féroces habitudes. Neuf frères, unis par l’audace et par les mêmes passions, avaient à leur tête Giovanni Battista, homme ardent et résolu. Un autre, Raimondo le dominicain, mauvais sujet expulsé du couvent pour ses mœurs licencieuses, était bien digne de son frère ; le troisième, Piero, n’était pas moins distingué. Ces deux derniers furent plus tard condamnés aux galères perpétuelles par les tribunaux du pape, comme coupables d’homicide sur des soldats pontificaux et sur leurs propres compagnons de brigandage.

Une autre branche de cette famille, habitant Cortone, était plus riche ; mais cette fortune devait passer par les femmes à d’autres familles qui lui étaient alliéés. La perte d’une si belle espérance et d’un si opulent héritage fut, aux yeux de Giovanni Battista et de ses frères, un légitime casus belli. De l’injure ils passèrent bientôt aux violences. Le gouvernement adressa des plaintes et des avertissemens à Giovanni et mit hors la loi les bravi qu’il avait à son service. Giovanni n’en fut que plus rebelle, et se jeta ouvertement dans la profession de chef de brigands. Ses courses et ses pillages s’étendaient sur les territoires d’Anghiari, Monterchi, Castiglione, Cortone. Prisonnier dans cette dernière ville, ses frères firent sonner le tocsin dans les villages pour rassembler leurs compagnons, qui, au nombre