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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/207

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du voisinage, en matière civile, leurs propres seigneurs, lors même que l’objet, litigieux était situé sur le territoire du fief, mais il y eut encore de vives et longues oppositions. Certains seigneurs, pour échapper à ce droit nouveau de leur patrie, la renièrent, et se prétendirent feudataires de l’empire et indépendans du grand-duché ; les vassaux, au contraire, réclamaient la protection de ce dernier, la seule efficace, parce qu’elle était plus rapprochée et toujours présente ; les conseils impériaux de Vienne appuyaient et encourageaient sous main les prétentions des seigneurs pour se faire des partisans en Toscane. En 1779, les vassaux de la famille Bardi de Florence se soulevèrent ; il y eut une petite guerre civile dans la paisible et solitaire vallée qu’ils cultivaient ; ils chassèrent à main armée les officiers de leur seigneur et les sbires pontificaux qu’il avait appelés à son secours. Le chef des Bardi fut appelé devant le grand-duc pour rendre compte des vexations qu’il avait exercées sur les sujets du grand-duché ; sa réponse fut que son fief était un fief impérial. Pendant ces disputes, le sang coulait, et l’opiniâtre feudataire porta sa cause devant le conseil aulique devienne, qui lui donna raison contre Léopold. Alors on voit intervenir dans cette affaire l’empereur Joseph II lui-même, qui conseille à son frère d’en appeler à la diète des princes électeurs pour suspendre au moins les effets d’une sentence si fâcheuse, qui pouvait arrêter toutes les réformes de la Toscane ; mais cette diète avait pour principe de favoriser la prétention des fiefs impériaux, de sorte que le grand-duc allait probablement échouer encore dans ce dernier recours, quand tout à coup l’heure de 1790 vint à sonner, et la révolution française emporta quelques années plus tard le fief des Bardi comme tous les autres. Telles étaient les difficultés toujours renaissantes à l’encontre des plus urgentes réformes. Il n’y a pas jusqu’au marquis du Mont-Sainte-Marie qui ne reparût à cette époque, comme en 1753, pour relever le drapeau du droit féodal : c’étaient Giovanni Battista et ses redoutables frères. Ils recommençaient à infester, sous Léopold comme sous François, les campagnes voisines ; heureusement on sut les soumettre au droit nouveau, en mettant dans leur château une garnison de la milice toscane. Que de grandes catastrophes s’expliquent merveilleusement par ces petites révolutions obscures qui se passaient, à la veille de 1789, jusque dans ces vallées inconnues, et sur ces rochers incultes d’un coin de la Toscane !

Parallèlement à ces réformes politiques, peu connues malgré leur importance, il s’en essayait d’autres dans l’ordre religieux, qui ont fait grand bruit, parce qu’elles furent poussées, sous Léopold, jusqu’à l’imprudence, et compromises par la mesquinerie des détails. M. Zobi en expose minutieusement les premières origines. Une erreur fort répandue par les historiens en attribue l’initiative à Léopold,