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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/208

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qu’on suppose avoir obéi aux inspirations philosophiques de Joseph II. Elles commencèrent en réalité sous l’empereur François ; elles ne furent point inspirées primitivement par l’esprit de système et le génie inquiet de tel ou tel prince ; elles étaient l’effort et l’expression d’un sentiment répandu dans les classes lettrées, et principalement parmi les jurisconsultes. Elles étaient la conséquence d’un mouvement général de la société européenne, où le développement de l’ordre civil, l’établissement d’une vaste administration laïque, qui étendait son réseau sur toutes choses, le besoin de savoir et d’examiner propagé par les livres, appelaient invinciblement une liberté rationnelle, incompatible avec le régime mixte qui avait été fécond en bienfaits pour le moyen âge, mais qui avait donné tout ce qu’il contenait, et qui devait cesser. Ce fut sous François que la Toscane vit attaquer avec vivacité les prérogatives du saint siège, la puissance de l’inquisition, le droit d’acquérir en main-morte, et provoquera suppression de ceux des monastères qu’on jugeait inutiles. Il est vrai que François, empereur d’Allemagne en même temps que grand-duc de Toscane, résidant à Vienne et non à Florence, occupé surtout des soins de l’empire et retenu par les susceptibilités de Marie-Thérèse, avait beaucoup de ménagemens à garder avec Rome, et qu’il entama les questions pour les laisser le plus souvent suspendues ; mais le choix des ministres qu’il préféra, leurs écrits, leurs principes, leurs projets approuvés par lui, découvrent assez l’esprit de son gouvernement, et prouvent qu’il s’inspirait à cet égard de l’esprit de Louis XIV et des traditions gallicanes.

Ses trois principaux ministres furent le comte de Richecourt, Pompeo Neri et Giulio Ruccellai. Richecourt, Lorrain d’origine, Français par l’esprit, mal vu des Toscans comme étranger, longtemps soutenu par l’empereur contre toutes les menées, avait l’influence prépondérante. Homme habile, instruit, actif, ambitieux, il avait quelque chose du caractère et du génie de Colbert, étendant, comme celui-ci, ses regards pénétrans sur toutes les parties de l’administration. « Il avait, dit M. Zobi, compris à fond la situation économique de l’état, les besoins des peuples, les désordres des administrations publiques ; bien plus, il avait scruté les moyens de développer les ressources intrinsèques du pays, de satisfaire ces besoins, de mettre un frein à ces désordres et d’y remédier. » La colonisation de la Maremme, la réduction de la dette publique, la punition rigoureuse des agens infidèles, épuisèrent ses efforts ; l’absence du maître fit tout échouer. Comme Colbert, il se fit haïr des solliciteurs, parce qu’il était avare de la fortune publique ; laborieux et sentant sa supériorité, il voulait tout voir, tout faire par lui-même. Aussi on le rendit responsable de toutes les blessures que font les réformes, ses rivaux parvinrent à le faire tomber en disgrâce, et cette disgrâce, comme pour Colbert,