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dont les succès et la prospérité ont certainement fait soulever la question d’impôt qui nous occupe, on se heurte, il faut bien le dire, non plus seulement contre une question d’équité, mais aussi, ce qui est encore plus grave, contre une question de loyauté dans l’exécution d’un contrat.

Qu’est-ce en effet qu’un acte de concession d’un chemin de fer ? C’est un contrat synallagmatique dans lequel l’état d’un côté, une compagnie de l’autre, stipulent qu’un grand travail d’utilité publique sera exécuté par la compagnie à ses risques et périls, et que, en paiement du prix de ce travail, l’état lui abandonne pour un temps déterminé la perception d’un tarif établi sur la nouvelle voie de communication qu’elle doit créer et exploiter.

La perception du tarif est donc bien le prix du travail exécuté, ou, si l’on veut, un mode de remboursement d’un capital avancé à l’état. Cela est si vrai, que si, en France comme en Belgique, l’état avait voulu construire et exploiter lui-même les chemins de fer, il aurait dû, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, en solder le prix aux entrepreneurs et aux ouvriers, et, pour cela il lui aurait fallu, sans aucun doute, contracter des emprunts ; Enfin, pour l’exploitation, il aurait eu chaque jour à payer les frais d’un nombreux personnel et d’un immense matériel.

C’est pour s’exonérer de toutes ces dépenses que l’état a concédé à des compagnies la perception des tarifs établis par lui, et bien souvent, les produits de cette perception, n’ayant point paru devoir être suffisans pour qu’elles pussent rentrer, pendant la durée de leur concession, dans leur capital avec des intérêts convenables, l’état y a joint des subventions en argent.

Le dividende des actions créées par la compagnie n’est que le produit net de la perception du tarif concédé, déduction faite des frais de toute sorte. Or n’est-il pas évident qu’en établissant un impôt sur ce dividende, l’état fait la même chose que s’il enlevait ou une partie du tarif, ou une partie des subventions qu’il a lui-même accordées à cause de l’insuffisance présumée des produits du tarif, c’est-à-dire une partie du prix du travail exécuté, une partie du capital avancé ?

Il y a des compagnies dont la subvention a été divisée en annuités à longs termes. Il y en a (les paquebots de la Méditerranée par exemple) dont la subvention va décroissant chaque année. Il pourrait arriver que l’impôt égalât la subvention, et qu’ainsi l’état reprît d’une main ce qu’il donnerait de l’autre. Il faut donc l’avouer, l’établissement d’un impôt sur le dividende, ou, en d’autres termes, un partage des produits avec l’état en dehors des cas stipulés par les cahiers des charges est une altération profonde du contrat de concession.