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dans une certaine mesure. En effet, la commission chargée d’examiner précisément la loi du 5 juin avait proposé diverses dispositions qui soumettaient au droit de timbre proportionnel de un centime par chaque franc de rente le transfert des rentes nominatives sur le grand-livre de la dette publique et le renouvellement des titres de rentes au porteur, titres qui ne devaient être accompagnés de coupons que pour cinq années.

Dans une discussion qui lui fait honneur, M. A. Fould, ministre des finances, avait dit que ces dispositions allaient encourager les capitalistes, qui connaissaient la valeur relative des placemens, à sortir des fonds français pour rechercher les valeurs étrangères ; mais malgré ses efforts les propositions de la commission avaient été votées par l’assemblée législative. Heureusement les résolutions de l’assemblée, avant d’être converties en lois, devaient subir l’épreuve d’une troisième lecture. Lors de cette dernière délibération, le ministre revint, apportant le tableau du cours des différentes valeurs depuis le vote de l’assemblée. Il montra que, tandis que les rentes françaises avaient baissé, les fonds étrangers, non-seulement les fonds anglais, mais les fonds russes, espagnols, etc., avaient gagné tout ce que les nôtres avaient perdu ; il fit également voir que le change avait augmenté contre notre place, enfin que les demandes de conversion de titres nominatifs en titres au porteur, afin d’échapper à ces droits répétés de mutation, s’étaient présentées dans une proportion infiniment plus considérable que jamais.

Cette fois les propositions de la commission furent rejetées.

Ainsi, dans l’espace de quelques semaines, le simple vote d’une mesure qui n’était pas encore devenue loi, une simple menace avait déjà produit de désastreux effets. C’est que rien au monde n’est aussi mobile, aussi fluide, si l’on peut ainsi dire, que le capital ; tout obstacle qu’il rencontre sur son chemin le fait bientôt changer de route. Or, si l’on ne peut nier qu’un impôt de mutation sur les valeurs industrielles serait une entrave à cette libre circulation, qu’on a tant d’intérêt à conserver, on ne saurait méconnaître non plus les fâcheuses conséquences de cette entrave. C’est ce que la loi de 1850 a compris, et c’est pourquoi elle a voulu considérer ces valeurs mobilières, tant qu’elles restent pour ainsi dire sur le marché, comme des valeurs commerciales, comme des effets de commerce.

Mais cet impôt de mutation, sur quelles valeurs serait-il établi ? frapperait-il tout ce qu’on nomme Valeurs mobilières ? , Alors ce serait les transactions du commerce tout entier qu’on atteindrait, et évidemment il n’en peut être question. On veut, dit-on, principalement s’adresser aux valeurs des grandes entreprises industrielles, sans toucher à la rente sur l’état. Pourquoi cette différence entre la