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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/225

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rente et les autres valeurs mobilières, les valeurs surtout qui sont créées, comme nous l’avons dit, en représentation de prêts véritables faits à l’état en vertu de ses propres contrats ?

Si l’on ne consent pas à mettre cet impôt de mutation sur la rente, c’est sans aucun doute par crainte de porter atteinte au crédit de l’état. On n’ignore pas que le jour où il faudrait faire appel au public pour quelque emprunt, cet impôt viendrait peser d’un poids qui ferait fléchir le montant du capital obtenu par la négociation.

Mais est-ce que par hasard l’industrie en a fini avec le crédit ? est-ce qu’elles ont terminé leur œuvre, ces grandes entreprises auxquelles l’état a confié l’exécution d’immenses travaux ? est-ce qu’elles n’ont plus d’emprunts à contracter ? est-ce qu’après tout ce n’est pas au profit, au nom presque de l’état qu’elles agissent ? Ne sont elles pas en quelque sorte ses instrumens ? Et n’est-il pas vrai qu’atteintes dans leur crédit, n’obtenant que des capitaux moindres pour la même somme de produits bruts, elles n’exécuteront qu’une moindre somme de travaux, et seront dans l’impuissance de se charger de ces artères secondaires qui auraient un jour vivifié les parties les plus reculées du territoire ? C’est la propriété immobilière dont la valeur est doublée, décuplée quelquefois par ces nouvelles voies de communication, qui aura le plus à souffrir, et paiera en définitive d’un prix énorme le préjugé qui la pousse trop souvent à se plaindre de l’accroissement de la richesse mobilière, comme si elle n’était pas la première à en recueillir les fruits.

N’est-ce pas d’ailleurs une chose assez singulière que ce soit précisément à une époque où la propriété territoriale se plaint de son immobilisation, où, par des moyens dont quelques-uns sont à nos yeux contraires à sa nature même, elle cherche, comme on dit, à se mobiliser, à faire des lettres de gages pour lesquelles elle rêve d’incessantes transmissions, à une époque où elle demande aux capitaux disponibles la formation de crédits fonciers, l’émission d’obligations à intérêt minime, d’annuités à longs termes, n’est-ce pas une chose singulière qu’on veuille en même temps mettre une entrave à la transmission de ces valeurs dont on réclame la création, et qui seules pourraient produire du moins une partie de ce qu’on souhaite ? La propriété immobilière n’a, selon nous, que deux choses à désirer : d’abord, c’est que les grands travaux publics qui doivent accroître sa prospérité dans une si magnifique proportion se poursuivent avec activité, et rencontrent chaque jour de nouvelles facilités d’exécution ; ensuite que, par l’augmentation de la richesse mobilière, le taux de l’intérêt des capitaux diminue et fasse refluer vers l’agriculture tous les bienfaits du crédit.

Tout ce qui peut porter atteinte à ces deux faits est un malheur