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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/227

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L’abonnement serait donc refusé, et l’on retomberait alors dans le mode de perception des droits sur les bordereaux des agens de change, chose possible à la rigueur, mais qui aurait le double inconvénient, d’augmenter encore le nombre déjà si grand des affaires qui se traitent en dehors du parquet, et de ne pas atteindre les opérations les plus importantes.

Comment en effet l’impôt pourrait-il être prélevé sur ces mutations qui s’opèrent chaque jour, même sans déplacement de titres, chez tous les grands banquiers auxquels des cliens donnent l’ordre de vendre certaines valeurs que précisément d’autres cliens leur donnent l’ordre d’acheter ? C’est le cours moyen qui règle le prix de la transaction, tout se borne dans ce cas à des écritures. Pour saisir ces actes, il faudrait donc compulser les registres ou attendre que chaque maison de banque vînt apporter son tribut et déclarer ce qu’elle a fait en ce genre.

Les transmissions de titres de la main à la main passeraient aussi hors de la portée de la loi.

Enfin il est facile de prévoir que les grands capitalistes (et les hommes spéciaux l’ont déjà indiqué) sauraient transporter, tout en restant à Paris, la réalisation de leurs opérations sur une autre place ; les cours de compensation, comme on les appelle, seraient déterminés pour nos valeurs par notre marché, mais le mouvement de transmission se ferait ailleurs, et échapperait ainsi à l’impôt Ce ne seraient que les petits capitaux qui le supporteraient, et le produit eh serait sans doute bien faible.

On est donc toujours placé, quand on veut saisir ces actes de transmission quotidienne de valeurs mobilières, de valeurs au porteur, entre ces deux écueils, ou de ne rien faire de bien sérieux, et qui vaille d’être fait, ou de faire quelque chose qui arrête ou ralentisse le mouvement, entrave le développement de la puissance industrielle, et en définitive tourne au détriment de la fortune publique et du marché français.

« Les capitaux, avons-nous plus d’une fois entendu dire, ont trop de disposition aujourd’hui à se jeter dans les entreprises étrangères ; il serait préférable pour notre pays de les voir dépensés dans tous les grands et nombreux travaux qui nous restent encore à faire. » Croit-on donc les retenir par les moyens que nous discutons ? Nous qui ne partageons pas toutes les craintes qu’inspire ce mouvement de création d’entreprises étrangères dont le siège est à Paris, qui nous rappelons ce que l’Angleterre à su retirer de profit pour nous avoir aidés[1], et qui ne saurions vouloir de cette muraille de la

  1. S’il est un fait incontestable, c’est que les valeurs représentatives d’entreprises quelconques, pourvu qu’elles donnent des produits sérieux, finissent, quelle qu’en soit l’origine, par être absorbées par le pays sur le sol duquel elles ont été établies. Si donc des capitaux étrangers sont venus créer un établissement avantageux, il est certain que dans un temps donné les valeurs qui représenteront cet établissement passeront dans les mains des habitans du pays, surtout s’il s’agit d’une de ces grandes créations qui, comme un chemin de fer, frappent tous les yeux. Or, si l’entreprise offre une augmentation de capital aux fonds qui y sont engagés, il en résultera que cette augmentation, cette prime, pour parler le langage du jour, sera en définitive payée par les capitaux du pays à ces capitaux étrangers ; dont nous venons de parler, qui retrouveront leur liberté et rentreront enrichis sur le sol natal. C’est ce qui est arrivé lorsque nous avons commencé nos travaux de chemins de fer : l’argent anglais nous a sans doute alors rendu un service ; plus tard il s’en est retourné, emportant le prix que nous avons payé a sa hardiesse, a sa confiance. Ce qu’a fait l’Angleterre au début de nos travaux, la France le fait aujourd’hui. Seulement, il faut le dire, l’Angleterre était plus avancée pour son propre compte que nous ne le sommes nous-mêmes.