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Il y a un fait à remarquer, c’est la vivacité avec laquelle les journaux autrichiens s’obstinent dans leurs polémiques sur les principautés danubiennes. Tandis que les journaux de Londres commencent à revenir de cette surprise que causait l’autre jour à lord Clarendon l’expression modérée de l’opinion du gouvernement français, la presse autrichienne poursuit sa guerre contre une idée, contre l’éventualité de la Réunion de la Moldavie et de la Valachie. Jusqu’ici cependant, on ne peut l’avoir oublié, il ne s’est agi que de garantir la manifestation libre du vœu des populations roumaines sur cette question comme sur toute autre. L’Autriche elle-même a souscrit à cette condition dans la conférence de Constantinople ; le grand-vizir Rechid-Pacha s’est résigné à une nécessité, et lord Stratford de Redcliffe n’a eu rien à objecter. Théoriquement, le droit est sorti incontesté des délibérations diplomatiques ; reste le fait, souvent fort différent du droit. Malheureusement il n’est point douteux que depuis le premier instant, dans les principautés mêmes, il y a eu toute sorte, d’influences en jeu, influences des agens étrangers, influences des autorités locales, pour paralyser l’expression de la pensée publique. C’est particulièrement l’histoire de la Moldavie, dont le caïmacan actuel, M. Balche, se flatte naturellement de devenir hospodar moldave par le maintien de la séparation des deux provinces. Tous les efforts de M. Balche, depuis qu’il est chef provisoire du pouvoir, ont tendu et tendent encore à neutraliser le progrès des idées favorables à l’union. Il a opéré des destitutions en masse, il a remplacé tous les fonctionnaires suspects de sympathies unionistes. Cela ne suffisait point, à ce qu’il semble ; il y a quelque temps, le caïmacan de la Moldavie, agissant plus ou moins spontanément, a dû changer son ministère. Et quels ont été les membres du nouveau cabinet ? Le ministre des finances est M. Vogoridès ou le prince Vogoridès, ainsi appelé parce que son père a rempli en Turquie des fonctions auxquelles est accidentellement attaché ce titre. M. Vogoridès est depuis peu établi dans le pays. Il a usé, dit-on, de son influence à Constantinople pour déterminer la nomination du caïmacan actuel. Du reste, il est fort peu versé dans les finances. Son grand titre, c’est qu’il se dit chargé de la mission de travailler contre l’union et de faire échouer ce qu’il appelle les idées de la France. Il en est de même du nouveau ministre ; des travaux publics, M. Istratty, homme plus capable et connu par des publications séparatistes qui lui ont valu les éloges de l’Autriche et de la Turquie. M. Istratty a un frère évêque qui aspire à être métropolitain, et on a espéré ainsi intimider le métropolitain actuel, favorable à l’union. Des nouveaux ministres, celui, dont le nom a surpris le plus peut-être est le président du conseil ministre de l’intérieur, M. Nicolas Cantacuzène. Le nouveau président du conseil a déjà figuré dans la politique sous le prince Ghika ; mais il avait disparu dans des circonstances d’un ordre si particulier, si grave, qu’on croyait peu à sa rentrée dans les conseils du gouvernement. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’il se retrouve dans ce cabinet avec M. Vogoridès, qui a été son adversaire sur un tout autre terrain. Ils sont rapprochés aujourd’hui par un sentiment commun d’hostilité contre la réunion.

Le nouveau ministère ainsi composé n’est point resté inactif, on le conçoit ; Les journaux autrichiens qui se plaignent de la pression exercée par un article du journal officiel de France sont-ils bien sûrs que les agens de l’Autriche soient entièrement étrangers à ce travail organisé contre l’expres-